Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Les naufragés du crédit affluent avec la récession

Jamais, la Banque de France (BdF) n’avait connu un pareil emballement du surendettement. Selon le dernier bilan des commissions de surendettement - que Libération s’est procuré -, le nombre de dossiers déposés à la Banque de France a franchi à deux reprises la barre des 20 000 ménages en févier et en mars. Du jamais-vu. Les 21 747 dossiers déposés en mars 2009, représentent une progression de 30 % par rapport à mars 2008. Sur le premier trimestre, les 58 188 dossiers traduisent une poussée de fièvre de plus de 16 %.

Flambée. «Depuis quatre mois, cela s’est accéléré», témoigne Bernard Lefèvre, qui siège pour l’UFC-Que choisir dans la commission de surendettement du Puy-de-Dôme, où il assiste les ménages étouffés par les dettes. «Dans ma région, on ne voit pas encore de plans sociaux, mais on assiste à des fins de contrats d’intérim ou à des plans de chômage partiels.» Couplé à l’«utilisation à tort et à travers du crédit revolving», son département a connu un bond de 14 % de surendettement au premier trimestre«le pire est à venir». Dans ce département rural, la déconfiture de la Camif, à l’été 2008, n’a pas fait encore pleinement sentir ses effets : «Les salariés sont encore en reconversion». S’y ajoute la menace de fermeture d’Heuliez à Cerizay, l’équipementier automobile, et son millier d’emplois sur la sellette. «Et au moins autant de salariés sont impactés chez les sous-traitants !» Déjà, le département connaît une flambée de 20 % de dossiers depuis janvier.

Dérapage. La Banque de France s’alarme déjà de l’afflux de dossiers. Et redoute que cela rende acrobatique la tenue des délais pour l’examen des cas. Du coup, la BdF explique à ses interlocuteurs locaux qu’elle réfléchit à l’embauche d’intérimaires et de CDD pour éviter le dérapage des délais… En nombre suffisant ? Pas sûr. D’autant que Bercy, de son côté, s’apprête à resserrer encore les délais. Christine Lagarde, la ministre de l’Economie, a en effet accordé une - petite - place au surendettement dans sa réforme du crédit à la consommation annoncée pour l’été, afin, dit-elle, de«mieux accompagner les personnes». Elle compte notamment diviser par deux - de six à trois mois - le temps de l’examen préalable du dossier entre son dépôt et la décision de recevabilité. Bercy veut en outre diviser par trois - de dix-huit à six mois - le temps du traitement des dossiers lorsque la Commission préconise un PRP, un Plan de rétablissement personnel. Autrement dit, un effacement des dettes avec la faillite civile.

En 2008, 33 000 ménages ont été orientés sur cette voie, alors que 188 485 d’entre eux avaient déposé un dossier. Une solution de la dernière chance trop peu explorée, regrette L’UFC-Que Choisir. D’autant qu’il reste encore une ultime haie à franchir : l’effacement des dettes prononcé au final par les tribunaux. «Certains juges, face à des jeunes écrasés par les crédits revolving, et payés au Smic, leur refusent l’effacement des dettes précisément parce qu’ils sont jeunes ! estime Nicole Pérez, des Deux-Sèvres. Et donc que leur situation ne peut être irrémédiablement compromise, puisqu’ils ont toute la vie devant eux.» Or ce motif de «situation irrémédiablement compromise» est requis pour rayer l’ardoise des crédits. Choquée par cette frilosité, l’UFC rappelle l’intention initiale de Jean-Louis Borloo, l’initiateur en 2004 de la réforme sur la faillite personnelle, destinée à donner «une deuxième chance aux accidentés du crédit». Avec la crise, ces accidentés se multiplient : + 3 % en 2008 et probablement une hausse à deux chiffres pour 2009…

Avec la crise, les crédits revolving sont sur la sellette. Tous les représentants des consommateurs, à l’instar de l’association Cresus, très active en Alsace, pointent le rôle déstabilisateur de ces réserves d’argent prêtées à des taux tutoyant les 20 %, limite supérieure de l’usure.Les victimes ? Locataires le plus souvent, touchant de petits salaires (lire ci-contre). Et que la moindre chute de revenu fait plonger.«Ils tiennent leur budget hors de l’eau grâce aux réserves de crédit que leur accordent sans aucune vérification les établissements de crédit», explique Jean-Louis Kiehl, de Cresus. Jusqu’au jour où cela devient intenable.

Les établissements financiers profitent-ils de la crise ? Les intéressés évoquent plutôt une «décrue sensible» et récente de leur activité de crédit. La société Laser (maison mère de Cofinoga, Médiatis et d’autres enseignes de crédit), qui réalise 74 % de son activité sur le crédit renouvelable, connaît surtout, dit-elle, «une forte progression des défauts de paiement». Un montant de 219 millions d’euros d’impayés en 2008, contre 165 millions d’euros en 2007. Soit une progression de 33 %. «Nous allons durcir nos règles d’octroi, notamment dans les magasins», a promis Philippe Lemoine, le patron de Laser. Les associations de consommateurs se pincent pour y croire…

Libération, 05/05/2009

Les commentaires sont fermés.