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Au delà de la Grèce : déficits, dettes et monnaie

logo-30.gifDu chatoyant spectacle qu'offre la « crise grecque » il est probable que l'élément le plus pittoresque demeurera ce racisme réjoui et déboutonné qui conduit chaque jour spéculateurs et commentateurs, par là parfaitement unis, à nommer sans le moindre scrupule « PIGS » les États dont les finances publiques sont contestées sur les marchés financiers. Portugal, Ireland, Greece, Spain, les trois petits cochons sont maintenant quatre. C'est bien là le genre d'erreur de dénombrement qui en un instant trahit toute une vision du monde : ce sont les bronzés qui sont des porcs - et si l'Irlande a le mauvais goût de contredire le tableau d'ensemble, il suffit de lui substituer l'Italie, mal en point également, pour faire PIGS à nouveau en rétablissant l'homogénéité quasi-ethnique des abonnés à l'indolence méditerranéenne et à la mauvaise gestion réunies.

Erreur de dénombrement en effet, établie par The Economist qui, grand utilisateur de ce subtil humour de salle de marché, dresse pourtant un palmarès international de la déconfiture budgétaire qui le contredit lui-même puisqu'on y voit certes la cochonnaille proliférer, mais pas exactement où il croit. Le Portugal ne va pas bien, c'est entendu (8 % de PIB de déficit)... mais les États-Unis sont à 10,5 %. Heureusement voilà l'Espagne (11,5 %). Hélas doublée par l'Irlande (12 %). Arrive la Grèce, l'affaire doit être dans le sac (12,5 %), les basanés sont les rois. Malheur : c'est le Royaume-Uni qui décroche le pompon (14,5 %). Curieusement on n'a pas le souvenir d'avoir entendu les États-Unis ni le Royaume-Uni traités de porcs. Le Monde, parangon de distinction, s'amuse même de la « mauvaise Grèce » [] - n'est-ce pas tout à fait spirituel ? La nature humaine est une et partout la même rappelait Spinoza, et le racisme des élites ne le cède en rien à celui qu'il se plaît à dénoncer chez le peuple.

Faux et vrais débats autour de la « dette »

Il y a cependant des enseignements plus strictement économiques (et politiques) à tirer de la crise grecque qui n’aurait pas lieu complètement pour rien si, par delà les sauvetages d’urgence, elle permettait de poser à nouveaux frais la question du financement des déficits publics. Peut-être y aurait-il avantage à rappeler préalablement que le problème des dettes publiques n’a pas plus à être sur-estimé que sous-estimé. Par les temps qui courent, la légère asymétrie qui découle du matraquage sans précédent dont ces questions font l’objet rend le second risque très relatif… Contre l’empressement instrumental qui monte en épingle « la dette » (par défaut, et presque par définition, la « dette » est toujours publique…) pour mieux préparer un programme sans précédent de démantèlement de l’État [], on se doute que le rappel d’une ou deux données de fait ne pèsera pas grand-chose — au moins on aura essayé... Pendant des années, la dette publique belge a gravité autour des niveaux grecs actuels — elle a sensiblement baissé depuis son plus haut de 133,5 % en 1993 jusqu’à 84 % en 2007, avec une remontée sensible, comme tout le monde, du fait de la crise financière à 90 % en 2008. De même l’Italie, revenue de 120 % environ dans les années 1990 à 105 % en 2008, avec un 116 % prévu à fin 2010. Et bien sûr le Japon, insurpassable détenteur du record mondial avec 200 % (!) mais presque aussi systématiquement oublié quand il est question de comparaisons internationales de dettes publiques que les pays scandinaves quand il s’agit d’examiner les taux de prélèvements obligatoires…

La suite de ce long article sur le blog de Frédéric Lordon : http://blog.mondediplo.net/2010-02-17-Au-dela-de-la-Grece-deficits-dettes-et-monnaie

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