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Depuis 2004, les inégalités se creusent au profit des plus hauts revenus

Le nombre des riches a explosé en France de 2004 à 2007, et cette très forte augmentation est allée de pair avec une explosion de leurs revenus.

Tel est le double constat dressé par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) dans l'édition 2010 de son étude sur Les revenus et le patrimoine des ménages, rendue publique jeudi 1er avril.

L'Insee, dont les travaux portent sur une période antérieure à la crise, fait état d'une augmentation de 28 % du nombre de personnes dépassant les 100 000 euros constants de revenu par unité de consommation et de 70 % du nombre de celles au-dessus du seuil à 500 000 euros.

Il confirme ainsi le diagnostic d'une explosion des hauts revenus en France, posé dès l'été 2007 par Camille Landais, à l'époque chercheur à l'école d'économie de Paris.

Mais contrairement à cet économiste, qui date à 1998 le début de ce phénomène, l'Insee fait de 2004 une année charnière. "Alors que les revenus d'activité n'ont progressé que de 11 % entre 2004 % et 2007 %, les revenus du patrimoine et les revenus exceptionnels ont connu des progressions beaucoup fortes", de 46 % et de 55 % respectivement, explique l'étude.

Cette évolution est d'autant plus frappante qu'elle va de pair avec une stabilité des inégalités de niveau de vie pour 90 % de la population.

Le niveau de vie rapporte le revenu disponible d'un ménage - la somme des revenus dont il dispose après paiement des impôts directs - au nombre d'unités de consommation, qui le composent.

8 MILLIONS DE PAUVRES

C'est par le haut que les inégalités se creusent depuis 2004, à travers l'augmentation des niveaux de vie des 5 % les plus aisés, tandis que la proportion de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté (908 euros mensuels) est passée, en un an, de 13,1 % à 13,4 %. Une hausse, non "statistiquement significative", qui porte à 8 millions le nombre de pauvres.

En 2007, c'est à partir de 84 500 euros de revenu déclaré annuel par unité de consommation qu'une personne se situe parmi les 1 % les plus riches ou "à très hauts revenus". Cette limite correspond, par exemple, à un couple de cadres supérieurs gagnant chacun 5 300 euros nets par mois. En revanche, pour être riche, un ménage avec deux enfants doit avoir des ressources de près de 15 000 euros nets par mois.

La médiane des revenus, qui sépare en deux moitiés ces 1 % les plus riches, passe par la ligne des 112 000 euros. C'est plus de six fois le niveau de vie médian, qui partageait en 2007 la population française en deux parties égales et s'élevait à 18 170 euros par an, soit 1 510 euros par mois.

Les riches ne constituent pas une population homogène : le revenu déclaré annuel par unité de consommation des personnes à très hauts revenus va de quelque 84 500 euros à plus de 13 millions.

Même au sein des plus aisés, insiste l'Insee, l'hétérogénéité est forte. Dans cette catégorie qui comprend un peu plus de 5 800 personnes, le revenu par unité de consommation va de 688 000 euros (39 fois le revenu médian) à plus de 13 millions (plus de 700 fois le revenu médian).

La concentration est la règle. Les 10 % les plus riches reçoivent un quart des revenus d'activité déclarés, près des deux tiers des revenus du patrimoine et plus de quatre cinquièmes des revenus exceptionnels, constitués à près de 90 % par des plus-values de valeurs mobilières et à environ 10 % de gains de levée d'option perçus majoritairement par des cadres dirigeants.

L'Insee note au passage que ces revenus "exceptionnels" - 2 % de la population en touchent - sont courants pour les personnes les plus aisées (64 % en ont touché en 2007).

SOURCES DE REVENUS DIVERSIFIÉES

Plus on est riche, plus on a des sources de revenus diversifiées. Deux grands groupes émergent toutefois chez les plus aisés : ceux dont les revenus sont liés essentiellement à leur activité, par exemple des cadres dirigeants, des PDG ou des professions libérales; et ceux dont les revenus sont liés majoritairement à la détention d'un capital.

Au passage, l'Insee note que les revenus des plus riches sont imposés en moyenne à 20 % alors qu'"en appliquant le barème progressif de l'impôt sur le revenu" et les abattements, ils devraient l'être à 36 %. Les niches fiscales leur profitent.

Qui sont ces riches ? Ils sont plus âgés et plus urbains que la moyenne. Les 45-64 ans sont surreprésentés dans cette population. Ce n'est guère surprenant: ils sont à l'apogée de leur carrière, ont pu accumuler un patrimoine et avoir hérité d'un de leurs parents.

Les très hauts revenus sont aussi fréquemment parisiens. La plupart sont propriétaires d'au moins un bien immobilier, de surface importante en moyenne. C'est souvent à ce titre qu'ils sont redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et bénéficiaires du bouclier fiscal.

Le Monde du 03 avril 2010, Claire Guélaud,

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