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Ah, ça ira, ça ira, ça ira, les éditorialistes à la retraite...

Au lendemain de la journée de grève et manifestations du 7 septembre contre le projet de réforme des retraites, il est intéressant de faire un tour chez les éditorialistes et les commentateurs.

Le Figaro (9 septembre) est sans surprise : il titre sur les « ouvertures de Nicolas Sarkozy » alors que… elles ne portent pas sur les « fondamentaux ».

Les Échos (9 septembre), par la plume de son éditorialiste Jean-Francis Pécresse, qualifient de « sacrifice » les concessions du gouvernement. Sans doute faut-il comprendre que le gouvernement fait un « utile sacrifice » en … sacrifiant l’essentiel des acquis sociaux. Mais tout doit s’arrêter là : « il ne faut plus rien céder », nous dit-on.

Avec Libération (9 septembre), les choses deviennent plus subtiles : Laurent Joffrin explique : « si l’opinion juge injuste la réforme, elle estime qu’on ne peut laisser en l’état le système de retraites ». Faut-il en conclure que l’opinion souhaite une réforme injuste ?

La perle se trouve dans l’éditorial du Monde (9 septembre). Éric Fottorino assène : « Sur le fond, pourtant, repousser l’âge légal de départ à la retraite est une nécessité largement admise. » Par qui ? Près des deux tiers des Français désapprouvent cette réforme. Seule l’opinion des élites néolibérales doit-elle être prise en compte ? Mais ce n’est pas tout, l’éditorialiste poursuit : « Sauf à entretenir un mensonge général sur la capacité de l’État à financer le système. » Comment faut-il expliquer que ce qui finance les retraites, ce n’est pas l’État, mais l’activité économique des actifs dont l’évolution n’est jamais, jamais, jamais, mise en parallèle par les commentateurs avec l’évolution de la démographie ?

Pour ce qui concerne les prises de position, le bonnet d’âne peut être décerné à Xavier Bertrand qui disserte dans Libération (9 septembre). Morceaux choisis :

« Trente deux milliards [de déficit des retraites] pour l’année 2010 ». Oui, mais en 2006, à la veille de la crise, le déficit n’était que de 2,2 milliards (chiffre du Conseil d’orientation des retraites). À qui fera-t-on croire que cette multiplication brutale par quinze en quelques mois est due à l’allongement de l’espérance de vie ?

« La baisse des pensions : impensable pour nous. » Or, elle est déjà de l’ordre de 20 % à cause des réformes précédentes et elle le sera d’autant avec la réforme en cours.

« L’augmentation des cotisations : elle freinerait la compétitivité des entreprises et amputerait le pouvoir d’achat des ménages. » Faux car si on soumet les dividendes à cotisations, cela n’entache en rien la compétitivité des entreprises et cela n’érode que le pouvoir d’achat des nantis, déjà gavés.

« Nous vivons plus vieux, il est donc normal de travailler un peu plus longtemps. » C’est écrit où ? Dans le ciel, sur les fresques pariétales de Lascaux ou dans le grand livre du Medef ?

 Au chapitre des propositions, une vingtaine d’intellectuels ou de responsables syndicaux et associatifs (parmi lesquels Michel Aglietta, François Chérèque, Denis Clerc, François Dubet, Thomas Piketty, Alain Touraine, Michel Wieviorka…) se livrent à un bel exercice dans Le Monde (9 septembre). Puisque « le projet du gouvernement accroît les injustices sociales et salariales », surtout par les ses mesures d’âge, il faut « engager une réforme globale ». On les suivra totalement quant à la nécessité d’unifier les multiples régimes de retraite existants. Mais pourquoi, pour y parvenir, instituer une retraite à… deux vitesses ? Une avec un « volet contributif, financé par des cotisations sociales ». Une autre avec un « volet solidaire, financé par une fiscalité progressive ». Pourquoi faudrait-il concevoir une retraite « solidaire » dont on voit bien qu’elle serait réservée aux plus pauvres en en faisant un « revenu de citoyenneté » ?

La réponse est ici : « Le nouveau système devra prendre en compte l’augmentation progressive de l’espérance de vie, à la fois par la durée de cotisations et, si nécessaire, des taux de cotisation. Mais, si nous vivons plus longtemps en meilleure santé, et si nous devons travailler plus longtemps pour sauver nos retraites, c’est le principe de la retraite au choix (à la carte) qui devrait prévaloir. » Après nous avoir expliqué que « le relèvement de l’âge minimum de départ à la retraite de 60 à 62 ans accroît les inégalités et les possibilités de choix des salariés sur qui repose l’essentiel des efforts consentis. » Consentis ? Ah, le beau lapsus ! Avec une telle proposition qui rappelle sans le dire les projets de système par points ou de système par comptes notionnels, on ne s’étonnera pas si le front uni contre le projet de Monsieur Sarkozy venait à se lézarder.

Vivement la retraite : Ah, ça ira, ça ira, ça ira, les éditorialistes à la retraite...

Jean-Marie Harribey, le 8 septembre 2010

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