Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

L’emploi augmente… et se dégrade

Alter éco.gifLors de son intervention du mardi 16 novembre 2010, Nicolas Sarkozy s'est félicité de la création nette de 100 000 emplois en un an. Bonne nouvelle, mais qui se paye surtout d'une précarité accrue. Et qui ne suffira pas à compenser le déficit d'emplois engendré par la crise.

 Au 3è trimestre 2010, l'emploi salarié dans les secteurs marchands aurait progressé de 45 000 par rapport au trimestre précédent, selon les premières estimations de l'Insee. Si ces chiffres sont confirmés, l'emploi salarié marchand aura alors progressé de 100 000 en un an (15,96 millions d'emplois au 3è trimestre 2010 contre 15,86 millions au 3è trimestre 2009), soit une hausse de 0,6 %. Cette progression est une bonne nouvelle, mais elle en cache deux moins bonnes.

Une bonne…

La bonne nouvelle, évidemment, c'est que l'emploi reprenne, même modestement. On pouvait en effet craindre que les entreprises, qui ont souffert en 2009, en voyant leurs résultats plonger (de 8 %) et la productivité horaire de leurs salariés diminuer de 1,8 %, fassent tout pour gagner en productivité, soit en n'embauchant pas, soit en réduisant leurs effectifs, afin de restaurer leurs marges. Ce n'est pas ce qui s'est passé, et on peut s'en réjouir : certes, il y a eu rattrapage de productivité, puisque, entre les 3è trimestre 2009 et le 3è trimestre 2010,  l'emploi ne progresse que de 0,6 %, contre 2,3 % pour la valeur ajoutée des entreprises. Mais cela n'a pas empêché de nouvelles embauches. Voilà la bonne nouvelle.

… et deux mauvaises nouvelles

Mais il y a aussi l'envers du décor. D'abord, cette progression de l'emploi demeure insuffisante au regard du nombre de candidats qui, normalement, devraient se présenter sur le marché du travail. Entre 2005 et 2008, donc avant la crise, alors que les premières générations nombreuses parvenaient à l'âge de la retraite, on a enregistré une progression annuelle moyenne de la population active de l'ordre de 150 000 personnes, correspondant principalement à la hausse du nombre de femmes désireuses d'occuper un emploi. Mais, entre le 2è trimestre 2009 et le 2è trimestre 2010, brutal renversement de situation : la population active a reculé de 100 000 personnes. Il s'agit à vrai dire d'un phénomène classique : lorsque l'emploi se fait rare, des jeunes préfèrent poursuivre un peu plus leurs études, des femmes différer leur retour sur le marché du travail (après une interruption pour élever les enfants par exemple), des hommes tenter de partir en retraite précocement plutôt que de rester au chômage. C'est ce que les spécialistes appellent « la flexion des taux d'activité ». Mais cette flexion (à la baisse actuellement) ne durera pas : les jeunes ne vont pas éternellement poursuivre leurs études pour différer leur arrivée sur le marché du travail, les femmes ne vont pas éternellement rester à la maison et les hommes réduire leur durée d'activité, surtout en ces temps de réforme des retraites où l'on fait tout pour que, au contraire, ils l'allongent. En d'autres termes, si demain la situation de l'emploi s'améliore, on verra alors ces candidats venir gonfler les rangs de ceux qui cherchent un emploi. Par conséquent, à moins de parvenir à créer beaucoup d'emplois dans les deux années à venir, le chômage risque fort de repartir à la hausse, l'accalmie actuelle n'étant due qu'à cette flexion.

Ce n'est pas tout. Les 100 000 emplois supplémentaires créés au cours des quatre derniers trimestres sont en réalité uniquement des emplois intérimaires, puisque, sur la période concernée, la progression de l'intérim est de… 97 000 postes de travail. Les entreprises, face à une reprise qu'elles estiment incertaine, préfèrent recourir à des missions d'intérim pour faire face à leurs besoins de main-d'œuvre plutôt que de créer des postes permanents. Bien entendu, cette situation est susceptible de changer. Mais, dans l'immédiat, cela signifie que, si la quantité d'emplois progresse, la qualité de ces emplois continue de se dégrader. Car cette évolution n'est pas nouvelle. Les chiffres de l'enquête emploi (qui porte sur l'ensemble des activités, marchandes ou non marchandes, salariées ou non) montrent qu'entre le quatrième trimestre 2009 et le deuxième trimestre 2010, si l'emploi total en France métropolitaine a progressé de 108 000, le nombre d'emplois en équivalent temps plein, lui, a diminué de 111 000, ce qui signifie que l'emploi à temps partiel (le plus souvent subi) a sensiblement progressé. Quant au nombre d'emplois temporaires (CCD ou intérim), il a progressé de 170 000 durant la même période. Autrement dit, il y a certes plus de monde en emploi, mais les postes qui se créent sont de plus en plus précaires.

Xavier Bertrand, nouveau ministre du Travail, vient de récupérer par la même occasion l'emploi, qui avait été rattaché au ministère des Finances et de l'Economie dans le précédent Gouvernement. Mme Lagarde, si elle avait conservé cette attribution, aurait sans doute immédiatement publié, comme à son accoutumée,  un communiqué « se félicitant de … » la bonne nouvelle, mais sans rien dire des deux autres. On, attend avec intérêt la prose du nouveau ministre, pour savoir si, lui aussi, ne voit que d'un œil.

Denis Clerc, Article Web - 17 novembre 2010 et aussi : http://www.alternatives-economiques.fr/l-emploi-augmente-et-se-degrade_fr_art_633_51829.html 

Les commentaires sont fermés.