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Note sur la 9ème réunion ministérielle de l'OMC

 Un article un peu "pointu" sur la future réunion de décembre à Bali. A lire pour mieux comprendre les enjeux…


3-6 décembre, Bali, Indonésie

Tous les deux ans, l'OMC tient une réunion ministérielle, c'est-à-dire la réunion des représentants des Etats membres de l'Union (159 en mars 2013). Cette réunion est celle de l'instance de décision politique de l'OMC et elle a vocation a décider si les Etats consentent, ou pas, à aller plus loin dans la réalisation de l'objectif de cette institution, la libéralisation du commerce au niveau le plus élevé possible dans tous les secteurs.

Description rapide de l'OMC : les enjeux généraux

Comme vous le savez, l'OMC a été créée fin décembre 1994 et elle regroupe un traité fondateur qui pose les principes avec une foule de traités dans les domaines qui relèvent de sa compétence (entre autres, l'agriculture, les services, les marchés non agricoles, la propriété intellectuelle et beaucoup d'autres1).

Depuis 2001 (réunion de Doha) puis 2003 (Cancun), les négociations patinent, essentiellement du fait du dossier agricole et des questions de développement : suivant le fait que l'OMC est une institution multilatérale composée d'Etat, le principe est celui de l'accord unanime et général (les Etats sont d'accord sur tout ou sur rien), acquis au consensus (le silence des Etats valant acceptation des propositions portées par le directeur général lors de chaque réunion ministérielle.)

Les négociations en 2001 ont achoppées essentiellement sur les questions des objectifs de développement.

Dès lors, l'OMC n'est plus le seul théâtre de la guerre commerciale mondiale, ni même le théâtre principal : les accords bilatéraux et régionaux se sont développés sous l'impulsion non seulement des grandes puissances mais encore des pays émergents. Ainsi nous avons vu se développer des accords tous azimuts (Nord-Nord ; Nord-Sud ; Sud-Sud), portant désormais des dispositions dites OMC+, notamment sur la protection des investissements prévoyant désormais des dispositifs de mécanismes investisseurs-Etats et concernant la protection de la propriété intellectuelle.

On peut donc s'interroger de savoir si l'OMC demeure un enjeu pour les organisations du mouvement social, dans la mesure où des accords plus menaçants existent (par exemple, l'accord UE-Canada (AECG), et le projet de grand marché transatlantique). Si l'OMC demeure un enjeu c'est qu'elle continue de produire des études sur l'état de l'économie mondiale, de veiller à la conformité des politiques commerciales de ses membres avec ses règlements, mais surtout parce qu'elle joue toujours un rôle clé dans la formulation des cadres et des normes régissant le commerce mondial.

L’Organe de règlement des différends (ORD) occupe une fonction centrale dans l'énonciation de la justice « commerciale » : le nombre et la variété des différends en cours est impressionnant et montre bien le champ d'intervention de l'OMC2. Ainsi se crée une "jurisprudence" commerciale qui sert de référence dans les différends commerciaux, y compris hors OMC.

De plus, des discussions informelles se poursuivent sur la question des services (négociation d'un accord plurilatéral entre « les amis » des services – UE, États-Unis, Australie), et officiellement sur la « facilitation du commerce » (harmonisation des formalités légales, publication et transparence de tous les règlements nationaux...) ou encore sur le commerce des technologies de l'information. Récemment, un groupe de "vrais amis des services" a fait des propositions pour la mise en place d'un "Accord général sur les services" (AGS).

Enjeux des négociations en cours

Avant chaque réunion ministérielle, le DG convoque réunion sur réunion pour tenter de mettre en place un texte qui a des chances d'être adopté lors de la réunion ministérielle (ce que dans le jargon on appelle un « paquet »). Actuellement, ce texte comporte trois volets : un sur la facilitation du commerce, un sur l'agriculture, un sur les questions de développement et sur les pays les moins avancés (PMA).

L'idée générale est que la facilitation du commerce est surtout poussée par les pays développés, les deux autres par les pays plus pauvres. Les pays développés estiment avoir faits ou pouvoir faire des concessions dans les deux derniers dossiers, ce qui leur permet d'attendre des pays plus pauvres qu'ils acceptent le contenu des propositions dans le dossier concernant la facilitation du commerce.

Qu'est-ce que la facilitation du commerce ?

La facilitation du commerce recouvre les règles que les pays mettent en place pour rendre les échanges internationaux plus fluides et plus surs. Il s'agit d'améliorer les échanges par l'harmonisation des procédures en douanes, par leur accélération et leur facilitation, avec, le cas échéant, une amélioration (par hypothèse financée par les pays plus riches) des capacités commerciales des Etats (en termes d'infrastructures techniques notamment).

Ce dossier se négocie en même temps que la question du traitement spécial et différencié (TSD) dont pourraient bénéficier les pays en développement, l'idée étant qu'ils acceptent les nouvelles règles de facilitation du commerce contre un traitement spécial leur permettant d'adapter le rythme d'adoption des règles nouvelles à leur situation particulière.

On voit se dessiner un clivage entre les pays développés et certains pays émergents (Chine, Corée, Singapour …) et les PMA sur ce que comporterait effectivement le TSD (général ou pas), sachant que pour les pays en développement qui se sont exprimés sur la question, les propositions sur la table auraient pour effet non pas tellement d'améliorer leur insertion dans le marché mondial en augmentant leurs exportations mais bien plutôt à faciliter leurs importations en provenance des pays développés – de surcroît au prix d'une intrusion dans les politiques nationales par l'introduction de ces nouvelles règles (avec, au passage, un nouvel abaissement de fait des tarifs douaniers). Le clivage se dessine aussi sur le rythme proposé de mise en place de ces normes, les pays développés plaidant pour une application rapide, les pays en développement estimant qu'ils doivent avoir une latitude pour s'adapter.

Concernant l'agriculture (sujet crucial à l'OMC), le clivage demeure sur la question des subventions, à quoi s'ajoute celle de la constitution de stocks publics et de prix administrés, question préoccupante depuis les épisodes de crises alimentaires graves (sur le riz, les émeutes considérables un peu partout dans les monde) de ces dernières années. Comme toujours, les pays en développement ont demandé que les règles agricoles existantes soient modifiées afin de leur permettre de subventionner les agriculteurs et promouvoir la sécurité alimentaire. Les États-Unis y sont fermement opposés, tout en continuant à ne pas vouloir réduire leurs propres subventions à l'industrie agroalimentaire.

Cette année, la négociation se concentre autour de la question de la « clause de paix ». Les pays s'engageraient à ne pas déposer de demandes les uns contre les autres devant l'Organe de règlement des différends si les subventions vont au-delà des niveaux consolidés tant qu'une solution permanente est négociée. À bien des égards, les pourparlers se résument à la question de savoir si l'Inde va exiger une clause de paix indéfinie dans le temps et qui durerait jusqu'à ce qu'un changement permanent soit accepté, ou si les Etats-Unis maintiennent leur demande que la clause de paix ne soit que temporaire, le temps de laisser aux pays celui d'aboutir à un accord - tout en exigeant que les pays en développement donnent dès maintenant des engagements contraignants et permanents sur la facilitation du commerce. Il semble d'ailleurs que déjà l'Inde cède et soit prête à ce contenter d'une clause de paix de 2 ou 3 ans pour que son programme d'achats de produits alimentaires (essentiellement blé et riz) ne soit pas poursuivi. Si cela se vérifie, c'est une abdication de l'Inde qui fera du tort à tous les autres PED.

Concernant le développement et des PMA, la revendication des pays les moins avancés et de nombreux autres pays en développement consiste à demander des flexibilités ou, pour le dire autrement, que les règles de la concurrence est trop difficile à mettre en œuvre et que les pays qui en ont besoin devraient pourvoir bénéficier d'une certaine souplesse du fait de leur situation objectivement défavorisée. Deux éléments du dossier : les règles d'origine préférentielle et le coton.

L'accord sur les règles d'origine (instauré dans l'accord fondateur de l'OMC) définit les règles d'origine comme celles appliquées par les Etats membres "pour déterminer le pays d'origine des marchandises, à condition que ces règles d'origine ne soient pas liées à des régimes commerciaux contractuels ou autonomes qui donnent lieu à l'octroi de préférences tarifaires." (article 1-1).

Ainsi, les Etats peuvent prendre une réglementation qui marque l'origine des produits dans un certain nombre de cas, et parfois cela peut être des mesures de sauvegarde (cas exceptionnels, temporaires et conditionnels où le pays peut prendre des mesures discriminatoires pour sauvegarder sa production) ou et des restrictions quantitatives ou de contingents tarifaires discriminatoires (quand exceptionnellement elles sont autorisées, toujours de manière transitoire). Ils peuvent aussi mettre en place une réglementation relative au marquage de l'origine (appellations d'origine contrôlées).

Les PMA estiment que ces dispositions, si elles sont appliquées de manière large, pérenne voire systématique seraient un instrument utile pour permettre des aménagements des règles de l'OMC à leur situation, ce qui est leur revendication première depuis le début. Essentiellement, dans les négociations en cours, il s'agit de permettre des échanges discriminés en faveur des PMA (d'un côté, ils pourraient restreindre les importations, de l'autre les pays développés importeraient leurs produits, notamment le coton, "en DFQF" <libre de droits, sans contingents>).

A propos de coton, déclaration le 30 octobre du président du groupe "Développement et PMA". Il indique que le groupe des 4 (pays qui ont fait une proposition, Bénin , Burkina Faso, Mali et Tchad) veut une décision lors de la conférence ministérielle pour permettre au coton en provenance des pays les moins avancés d'avoir accès aux marchés des pays développés en franchise de droits et au moins dans certains pays en développement d'ici 2015, et d'éliminer les subventions à l'exportation restantes pour le coton dans les pays développés immédiatement. Ils demandent également une décision d'ici la fin de 2014, sur la façon de réduire le soutien interne pour le coton. Il a indiqué qu'un accord intérimaire est nécessaire à Bali, ce qui aiderait établir un programme clair pour le coton dans les négociations sur l'agriculture à long terme

Analyses, réseaux et mobilisations

OWINFS, réseau auquel appartient Attac, estime que les minuscules avancées sur l'agriculture et sur le développement ne doivent pas se payer par une acceptation des propositions sur la facilitation du commerce qui sont trop déséquilibrées en faveur des pays développés puisqu'elles visent essentiellement à améliorer les importations (ou les exportations des pays exportateurs qui se trouvent être les pays développés).Ce réseau considère qu'il est est possible de soutenir les propositions sur l'agriculture et le développement (sous réserve de dénoncer leur timidité) puisque ce serait la première fois que l'idée d'une adaptabilité des règles de l'OMC à la situation concrète des pays en difficultés serait acceptée comme telle.

Il organise un certain nombre d'événements à voir sur le site : http://www.ourworldisnotforsale.org/

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