Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Institutions internationales - Page 5

  • Pour une Europe solidaire et libérée du joug des marchés

    Point de vue publié dans le journal Le Monde du 20 juillet 2011, par Thomas Coutrot et Aurélie Trouvé, coprésidents d'Attac France.

    Les plans d'austérité qui se multiplient en Europe placent la dette publique au cœur du débat politique. Pour rembourser cette dette, doit-on vraiment sacrifier les emplois et les services publics, les salaires et les retraites, les investissements indispensables à la transition énergétique ? A-t-elle été contractée dans l'intérêt général ou au profit de minorités déjà privilégiées ? Qui détient ses titres et profite de l'austérité ? Peut-on alléger son fardeau autrement qu'en appauvrissant les populations ?

     Ces questions, de plus en plus nombreux sont ceux qui se les posent. Les "indignés" espagnols refusent que les gouvernements y répondent contre la volonté du peuple. En Grèce un comité pour l'audit de la dette mobilise de nombreux citoyens. Dans toute l'Europe et en France un large débat démocratique est urgent, car les réponses apportées à ces questions détermineront l'avenir du pays et de l'Union. 

    Car qui a décidé que tout était discutable – les emplois et services publics, les retraites ou l'assurance-maladie, le droit du travail, les investissements publics – mais pas le service de la dette ? Que la "rigueur" devait s'appliquer à l'éducation, la santé, la sécurité… sauf aux intérêts de la dette, décrétés par nature intouchables bien qu'ils représentent bientôt le premier poste du budget de l'Etat ? Les candidats probables des partis de gouvernement font assaut de "responsabilité" en décrétant par avance que le remboursement de la dette sera leur première priorité. Mais devant qui sont-ils "responsables" : l'industrie financière ou les citoyens ?

    On nous rétorquera : ouvrir ce débat risque d'inquiéter les marchés. Les agences de notation pourraient dégrader la note de la France si la légitimité de la dette publique est mise en cause. Les prêteurs privés exigeraient des taux d'intérêt plus élevés et la charge de la dette en serait encore aggravée. Aucune personnalité politique "responsable" ne s'y risquerait. Mais est-il vraiment responsable d'avoirmis les Etats européens dans une telle dépendance des marchés financiers ? Comment accepter que la démocratie s'arrête là où commence le règne des agences de notation ? N'est-il pas temps de rechercher des alternatives  ?

    Aujourd'hui c'est précisément l'esprit de responsabilité qui impose d'ouvrir les yeux : le cadre institutionnel de l'Union européenne a fait faillite. Les Etats ont creusé leurs déficits à coups de réductions d'impôts et de cotisations pour les entreprises et les particuliers les plus aisés, dans une concurrence fiscale effrénée. Ils ont dû socialiser les pertes des banques en 2008 et encaisserle choc de la récession provoquée par la finance. Mais les traités interdisent à la Banque centrale européenne de financer leurs déficits. Ils doivent donc maintenant se financer à des taux élevés, voire usuraires, auprès des banques privées, lesquelles ne se privent pas de se financer elles-mêmes auprès de la BCE à un taux de 1,5 %. Et l'Union se dote d'une nouvelle gouvernance économique qui décrète l'austérité générale et va nous enfoncer dans la récession.

    Qui ne voit l'absurdité de la situation ? Quelle personnalité politique responsable peut prôner de continuer dans cette voie ? C'est pourtant ce que viennent dedécider le Conseil, la Commission et le Parlement européens avec le "Pacte pour l'euro plus". Et ce ne sont pas les propositions visant à "fédéraliser" la dette publique des Etats européens, grâce à l'émission d'euro-obligations ("eurobonds"), qui résoudraient les problèmes. Une fois de plus, on s'en remettrait aux marchés pour le financement des Etats, en leur laissant le soin de juger au jour le jour de la crédibilité de cette "solidarité européenne" fondée sur une généralisation sans faille des politiques d'austérité à tous les pays.

    Quand Jean-Claude Juncker, le président de l'Eurogroupe, comparant les privatisations en Grèce à celles d'Allemagne de l'Est après la chute du Mur, déclare que la souveraineté grecque sera restreinte, il donne clairement la mesure des enjeux. Pour les représentants de la finance, la crise de la dette souveraine est une occasion unique pour liquider l'Etat social européen comme on a liquidé il y a vingt ans le "socialisme réel". Au prix, s'il le faut, de la souveraineté populaire, c'est-à-dire de la démocratie.

    On commence heureusement à voir les signes d'un sursaut civique. En Europe du Sud, mais aussi au Royaume-Uni, la société civile se mobilise pour faire échec àdes plans gouvernementaux brutaux et irresponsables. En France aussi la dette publique doit être mise au centre du débat démocratique, en particulier grâce un vaste mouvement d'audit citoyen. Nous appelons syndicats, associations, citoyens à travailler ensemble dans les mois qui viennent pour comprendre les véritables origines de cette detteconnaître ses actuels bénéficiaires, juger de sa légitimité et élaborer ensemble des alternatives à l'hyper-austérité, pour une Europe solidaire et libérée du joug des marchés.

  • Une taxe sur les transactions financières (TTF) à l’échelle européenne : virage idéologique ou manœuvre de diversion ?

    Logo Attac.jpgLa Commission Européenne a publié son budget prévisionnel pour les années 2014 à 2020. Avec une surprise de taille : ce budget inclut les recettes d'une taxe européenne sur les transactions financières. Un  virage à 180° pour la Commission, qui y était jusque-là totalement défavorable !

    La taxe envisagée s'appliquerait à toutes les transactions, à un taux de 0,1 % pour les transactions au comptant, et de 0,01% pour les produits dérivés. Algirdas Semeta, le commissaire européen chargé de la fiscalité, table sur une recette de 54 milliards d'euros qui  alimentera le budget de l'UE et freinera la spéculation.

    Il s’agit là d’une victoire politique pour Attac qui défend le principe d’une telle taxe depuis plus de 10 ans. Il suffit néanmoins de regarder de plus près les propositions de la Commission pour constater que le compte n’y est pas.

    Tout d'abord, la Commission n'envisage pas de mise en œuvre avant 2018. Un tel délai est totalement  injustifiable. Ne s’agit-il pas d'un pur effet d'annonce à un moment où les résistances sociales se multiplient en Europe contre les plans d'hyper-austérité ? Alors que l’UE impose dès maintenant la plus stricte austérité budgétaire – faisant payer aux populations les coûts d'une crise provoquée par les marchés financiers – comment prendre au sérieux cette volonté proclamée de s'attaquer à la finance… d’ici à 7 ans ?

    Par ailleurs, alors cette taxe devrait selon nous financer les biens publics mondiaux (santé, éducation, stabilité climatique…), la Commission destine au contraire ces sommes à la réduction des contributions des États membres. Le budget européen restera plafonné à 1% du PIB de l'Union, loin du niveau qui permettrait de construire de vraies solidarités européennes.

    Attac continuera de soutenir le principe d’une TTF dans la perspective d'une régulation stricte et immédiate des marchés et de l'activité spéculative. Ce sont les spéculateurs et non les peuples qui doivent payer les coûts de la crise ! Dans l’immédiat cela suppose de mettre en œuvre en Europe des audits démocratiques des dettes publiques, suivis d’une annulation des dettes illégitimes. Il faudra imposer à terme la mise sous contrôle social du système bancaire et une redéfinition du rôle de la BCE.

    Ces mesures sont indispensables au plan européen et/ou national  pour sortir de la crise qui frappe l'Europe. Plus que jamais, les mobilisations en Grèce et en Espagne, et dans toute l’Europe contre les plans d’austérité, expriment la volonté des peuples européens de rompre radicalement avec les politiques menées par les gouvernements européens, l’UE et les institutions financières internationales.

     Attac France, le 6 juillet 2011

  • Les têtes changent, le FMI ne change pas

    Logo Attac.jpgChristine Lagarde vient d’être élue directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) en remplacement de Dominique Strauss-Kahn. À l'heure où le Parlement grec vote un nouveau plan d'austérité injuste et inutile sous la pression de l'Union européenne et du FMI, cette décision élude tout débat sur une réorientation radicale du Fonds. Mais l'actualité judiciaire française (affaire Tapie) ou l'aggravation prévisible de la crise financière pourraient fort bien poser à nouveau ce débat dans les mois qui viennent. C'est pourquoi Attac maintient la candidature de sa coprésidente Aurélie Trouvé à la direction du FMI et engage dès maintenant des démarches pour faire émerger une candidature altermondialiste venant du sud de la planète.

    C’est la cinquième fois que ce poste, traditionnellement réservé à un État européen, échoit à la France, et il n’y a hélas pas lieu de s’en réjouir. Depuis les années 1980, la politique du FMI est toujours la même, quel qu’en soit le directeur général. Ainsi, c’est sous la direction de Jacques de Larosière (1978-1987), puis de Michel Camdessus (1987-2000) qu’ont été élaborés les plans d’ajustement structurel ayant conduit à la ruine tant de pays d’Amérique latine, d’Afrique ou d’Asie, si bien que par la suite la plupart des pays émergents ou en développement ont refusé de recourir à l’aide du FMI ou de la Banque mondiale (c’est d’ailleurs ce que vient de faire l’Égypte tout récemment). 

    Les choses allaient-elles changer avec DSK ? Il fallait être bien naïf pour le croire. À l’exception d’un léger toilettage, le fonctionnement de l’institution est resté le même : c’est toujours “un dollar = une voix”, si bien que les États-Unis, avec plus de 17% des voix, disposent d’un droit de veto qui leur permet de contrôler le FMI, où les grands pays de l’Union européenne jouent aussi un rôle majeur. Il y a quand même une chose qui a changé : avec la crise financière, que le FMI a été d’ailleurs incapable de voir venir, ce sont maintenant des pays européens qu’on force à solliciter des plans d’austérité tout aussi draconiens que les précédents. Hongrie, Ukraine, Lettonie, Irlande, Grèce, Portugal sont les plus récentes victimes de programmes d'une rare violence sociale.
    Avec Christine Lagarde, au moins, il n’y aura plus la moindre ambiguïté : cette avocate d’affaires est ultralibérale et ne s’en cache pas. Mais n’allons pas croire que son concurrent au poste de directeur général, le Mexicain Agustín Carstens, aurait été un meilleur choix. Celui qui se veut le représentant des pays émergents est avant tout un économiste issu de l’école de Chicago, tout aussi néolibéral que Christine Lagarde. 
    C'est pourquoi une candidature alternative est nécessaire pour porter l'idée d'une réforme radicale du FMI, qui doit  cesser de privilégier la défense des créanciers et des banques et retourner dans le giron de l’ONU, avec comme règle essentielle “un pays = une voix”. C’est à cette condition que le FMI pourra peut-être trouver la crédibilité qu’il n'a pas aujourd'hui aux yeux des peuples.

    Attac France, le 29 juin 2011

  • « Ce n’est pas une crise, c’est une escroquerie »

    Logo Attac.jpg« Ce n’est pas une crise, c’est une escroquerie », disent les indignés espagnols. Ce mercredi, le Parlement grec vient d’adopter un nouveau plan d’austérité, symbole de l’invraisemblable escroquerie qui a cours actuellement en Europe.

    Malgré l’inefficacité avérée des mesures d’austérité pour améliorer la situation des finances grecques, le Parlement est sommé d’en remettre une nouvelle couche, avec des réductions de salaires et une réforme fiscale qui va frapper de plein fouet les classes moyennes et populaires ;

    Malgré l’injustice profonde de ces mesures qui visent à faire payer le peuple grec sans remettre en cause les politiques fiscales calamiteuses menées par les précédents gouvernements, les déséquilibres inhérents au fonctionnement de la zone Euro, ou encore les bénéfices grassement réalisés par les banques et autres spéculateurs sur le dos des finances publiques grecques ;

    Malgré la résistance du peuple grec, qui s’est levé dignement et occupe depuis près de trois semaines la principale place d’Athènes – où se situe le Parlement – pour contester, de manière pacifique et démocratique, ces choix imposés en dépit du bon sens ;

    Malgré tout cela, les députés grecs ont choisi de se soumettre au chantage de l’Union européenne et du FMI, qui acceptent en échange de ce plan d’austérité d’accorder une « aide » d’une centaine de milliards d’euros à la Grèce - sans laquelle le gouvernement se retrouverait incapable de financer son fonctionnement (y compris les services publics, hopitaux, etc.). Ce prétendu « sauvetage » s’adresse pourtant davantage aux banques françaises et allemandes qu’à la Grèce : « Le CAC 40 accentue ses gains, confiant sur la Grèce » peut-on lire sur le site du Point.fr.

    Il représente en réalité une vaste opération de socialisation des pertes : une étude des Échos montre que « grâce » à ces plans, « la part de dette hellénique aux mains des contribuables étrangers passera de 26 % à 64 % en 2014. Cela veut dire que l'exposition de chaque foyer de la zone euro va passer de 535 euros aujourd'hui à 1.450 euros ». Or tous les économistes s’accordent pour dire que la Grèce ne pourra pas rembourser l’intégralité de ses dettes.

    En s’opposant de manière farouche à toute restructuration, Sarkozy joue ainsi la montre au plus grand bénéfice des banques françaises ; Lorsque la Grèce fera défaut, ce seront les finances publiques des autres pays européens seront en première ligne… Et les peuples européens paieront l’addition via de nouvelles mesures d’austérité.

    « Privatiser les profits, socialiser les pertes », cette logique semble plus que jamais d’actualité : avec la nouvelle gouvernance économique, promue par les gouvernements européens et la Commission et votée par le Parlement européen, les finances publiques seront mises sous tutelle, et à l’image de la Grèce, l’austérité permanente pour les peuples garantira les bénéfices des banques.

    Il est essentiel que les peuples européens se mobilisent pour mettre en échec cette « stratégie du choc » à l’échelle européenne. A l’image du peuple grec, il faut non seulement s’« indigner », mais se montrer « déterminés » à mettre un terme au diktat des banques et des marchés financiers, en commençant par imposer un audit démocratique des dettes publiques. En France notamment, les mobilisations doivent redoubler d’intensité : ce qui se joue en Grèce aujourd'hui, c'est la capacité des peuples en Europe à sortir du piège dans lequel nous place la finance qui est en jeu.

     Jeudi 30 juin, au lendemain de la mobilisation sans précédent du peuple grec, et alors que les mouvements sociaux et syndicats britanniques organisent une grève générale contre les coupes massives dans les budgets publics, Attac appelle à se réunir à 18h devant l’ambassade de Grèce pour un soutien aux mobilisations qui se déroulent en Europe, en Grèce, au Royaume-Uni, en Espagne, pour affirmer que leurs combats sont plus que jamais les nôtres.

    Attac France, le 30 juin 2011

  • Goldman Sachs prend officiellement la tête de la BCE

    Logo Attac.jpgMario Draghi, ancien Président de Goldman Sachs Europe, prend aujourd'hui la présidence de la Banque centrale européenne. Il présidait la banque d'affaires américaine au moment où celle-ci, dans les années 2000, aidait la Grèce à maquiller ses comptes publics. Son rôle va être de préserver les intérêts des banques dans l'actuelle crise européenne.

    On pouvait jusqu'ici s'interroger sur les raisons qui poussaient la BCE et Jean-Claude Trichet à s'opposer de façon virulente – y compris face à la chancelière allemande – à toute idée d'une quelconque restructuration de la dette grecque.

    Cette attitude semblait incompréhensible puisque tous les analystes, y compris les économistes des banques, s'accordent à considérer que la Grèce ne pourra pas assurer le service de sa dette dans les actuelles conditions contractuelles. Un rééchelonnement, voire une annulation partielle semblent de l'avis général inévitable. Vouloir retarder l'échéance ne fait qu'aggraver les dégâts économiques et sociaux provoqués par les plans d'austérité brutaux et impopulaires imposés aux Grecs.

    Le nomination de M. Draghi clarifie donc les choses. La BCE défend non pas l'intérêt des citoyens et contribuables européens, mais l'intérêt des banques. Une étude britannique citée hier par Les Echos a le mérite de quantifier clairement le processus en cours. Cette étude indique que grâce aux « plans de sauvetage » de la Grèce et au « mécanisme européen de stabilité » mis en place par la BCE, le FMI et l'Union, « la part de dette hellénique aux mains des contribuables étrangers passera de 26 % à 64 % en 2014. Cela veut dire que l'exposition de chaque foyer de la zone euro va passer de 535 euros aujourd'hui à 1.450 euros ».

    Le « sauvetage » de la Grèce est donc en fait une gigantesque opération de socialisation des pertes du système bancaire. Il s'agit de transférer l'essentiel de la dette grecque – mais aussi espagnole et irlandaise – des mains des banquiers vers celles des contribuables. Il sera ensuite possible de faire assumer les frais de l'inévitable restructuration de ces dettes par les budgets publics européens.

    Comme le disent les Indignés espagnols, « ce n'est pas une crise, c'est une escroquerie ! ». Le Parlement européen a voté hier le « paquet gouvernance » qui réforme le pacte de stabilité en renforçant les contraintes sur les budgets nationaux et les sanctions contre les pays en infraction. Le Conseil européen réuni aujourd'hui et demain va parachever le travail. Et ce n'est pas la prochaine nomination de Christine Lagarde à la tête du FMI qui réduira l'emprise des banques sur les institutions financières internationales, bien au contraire.

    Heureusement les résistances sociales et citoyennes vont croissant dans toute l'Europe. Gouverner pour les peuples ou pour la finance ? La réponse est aujourd'hui claire: il va falloir que les peuples européens reprennent la main, pour construire ensemble une autre Europe. Les Attac de toute l'Europe organisent du 9 au 13 août une Université européenne des mouvements sociaux à Fribourg


    Attac France, le 24 juin 2011