Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

OMC-AGCS-APE - Page 3

  • Accord de libre-échange UE - Canada

    Plus de 100 organisations signent la déclaration transatlantique contre l’inclusion de «droits» excessifs pour les investisseurs dans l’AÉCG.

     25 novembre 2013, Bruxelles, Ottawa et Montréal – Alors que les délégations européennes et canadiennes se retrouvent aujourd'hui à Bruxelles pour poursuivre la négociation d'un chapitre portant sur la protection de l'investissement dans l'Accord économique et commercial global (AÉCG), les groupes de la société civile transatlantique exigent que ce chapitre soit entièrement retiré, considérant ce dernier comme un affront à la démocratie, une attaque envers l’indépendance du système judiciaire, ainsi qu’une menace pour le changement climatique et notre environnement.

     L’AÉCG «inclut un chapitre controversé et inutile sur la protection des investissements ainsi qu’un mécanisme de règlement des différends investisseur–État qui sont pourtant rejetés par un nombre croissant de pays pour des raisons très légitimes »affirme la déclaration transatlantique signée par plus de 100 organisations dans l'Union européenne, le Canada et le Québec. «Ces protections excessives accordées aux grandes entreprises dans des milliers de traités d’investissements et d’accords de libre-échange n’ont pas d’autres objectifs sociaux et économiques que de saper nos droits démocratiques à décider de nos politiques publiques et de nos législations dans l’intérêt général».

     La déclaration, qui montre une opposition croissante en Europe aux projets de la Commission visant à négocier des chapitres de «droits »aux investisseurs dans les accords commerciaux avec le Canada (AÉCG) , les États-Unis (PTCI) et Singapour, puise dans l'expérience globale de règlement des différends investisseur–État. Au Canada, des investisseurs ont récemment contesté en vertu de l’ALÉNA un moratoire sur l'exploration du gaz de schiste ainsi que des décisions juridiques sur l'utilité de deux brevets pharmaceutiques. Les États membres de l'UE ressentent aussi les sévices des différends entre investisseurs et États, comme par exemple celle de la société d’énergie suédoise Vattenfall contre la décision de l'Allemagne de sortir du nucléaire.

     «Si l’AÉCG est signé puis ratifié en incluant tel quel le mécanisme de règlement des différends investisseur-État, les démocraties canadiennes et européennes vont en pâtir tandis que les multinationales acquerront de nouveaux outils pour contrecarrer les politiques visant à protéger l’environnement, la santé et les services publics, la conservation des ressources, et surtout à rendre nos économies socialement plus durables et équitables», indique la déclaration transatlantique, que d'autres organisations européennes, canadiennes, québécoises et américaines sont invités à endosser. «Tous les représentants politiques de tous les niveaux de gouvernement de l’Union européenne et du Canada doivent appeler à la suspension des négociations sur l’investissement dans l’AÉCG et refuser d’approuver l’AÉCG tant que ce mécanisme excessif de règlement des différends investisseur-État n’en ait pas été retiré».

     La déclaration s'opposant au mécanisme de règlement des différends investisseur–État est d'autant plus importante compte tenu de l'intention de la Commission à conclure rapidement un Partenariat Transatlantique de Commerce et d’Investissement (PTCI) avec les États- Unis.

  • Note sur la 9ème réunion ministérielle de l'OMC

     Un article un peu "pointu" sur la future réunion de décembre à Bali. A lire pour mieux comprendre les enjeux…


    3-6 décembre, Bali, Indonésie

    Tous les deux ans, l'OMC tient une réunion ministérielle, c'est-à-dire la réunion des représentants des Etats membres de l'Union (159 en mars 2013). Cette réunion est celle de l'instance de décision politique de l'OMC et elle a vocation a décider si les Etats consentent, ou pas, à aller plus loin dans la réalisation de l'objectif de cette institution, la libéralisation du commerce au niveau le plus élevé possible dans tous les secteurs.

    Description rapide de l'OMC : les enjeux généraux

    Comme vous le savez, l'OMC a été créée fin décembre 1994 et elle regroupe un traité fondateur qui pose les principes avec une foule de traités dans les domaines qui relèvent de sa compétence (entre autres, l'agriculture, les services, les marchés non agricoles, la propriété intellectuelle et beaucoup d'autres1).

    Depuis 2001 (réunion de Doha) puis 2003 (Cancun), les négociations patinent, essentiellement du fait du dossier agricole et des questions de développement : suivant le fait que l'OMC est une institution multilatérale composée d'Etat, le principe est celui de l'accord unanime et général (les Etats sont d'accord sur tout ou sur rien), acquis au consensus (le silence des Etats valant acceptation des propositions portées par le directeur général lors de chaque réunion ministérielle.)

    Les négociations en 2001 ont achoppées essentiellement sur les questions des objectifs de développement.

    Dès lors, l'OMC n'est plus le seul théâtre de la guerre commerciale mondiale, ni même le théâtre principal : les accords bilatéraux et régionaux se sont développés sous l'impulsion non seulement des grandes puissances mais encore des pays émergents. Ainsi nous avons vu se développer des accords tous azimuts (Nord-Nord ; Nord-Sud ; Sud-Sud), portant désormais des dispositions dites OMC+, notamment sur la protection des investissements prévoyant désormais des dispositifs de mécanismes investisseurs-Etats et concernant la protection de la propriété intellectuelle.

    On peut donc s'interroger de savoir si l'OMC demeure un enjeu pour les organisations du mouvement social, dans la mesure où des accords plus menaçants existent (par exemple, l'accord UE-Canada (AECG), et le projet de grand marché transatlantique). Si l'OMC demeure un enjeu c'est qu'elle continue de produire des études sur l'état de l'économie mondiale, de veiller à la conformité des politiques commerciales de ses membres avec ses règlements, mais surtout parce qu'elle joue toujours un rôle clé dans la formulation des cadres et des normes régissant le commerce mondial.

    L’Organe de règlement des différends (ORD) occupe une fonction centrale dans l'énonciation de la justice « commerciale » : le nombre et la variété des différends en cours est impressionnant et montre bien le champ d'intervention de l'OMC2. Ainsi se crée une "jurisprudence" commerciale qui sert de référence dans les différends commerciaux, y compris hors OMC.

    De plus, des discussions informelles se poursuivent sur la question des services (négociation d'un accord plurilatéral entre « les amis » des services – UE, États-Unis, Australie), et officiellement sur la « facilitation du commerce » (harmonisation des formalités légales, publication et transparence de tous les règlements nationaux...) ou encore sur le commerce des technologies de l'information. Récemment, un groupe de "vrais amis des services" a fait des propositions pour la mise en place d'un "Accord général sur les services" (AGS).

    Enjeux des négociations en cours

    Avant chaque réunion ministérielle, le DG convoque réunion sur réunion pour tenter de mettre en place un texte qui a des chances d'être adopté lors de la réunion ministérielle (ce que dans le jargon on appelle un « paquet »). Actuellement, ce texte comporte trois volets : un sur la facilitation du commerce, un sur l'agriculture, un sur les questions de développement et sur les pays les moins avancés (PMA).

    L'idée générale est que la facilitation du commerce est surtout poussée par les pays développés, les deux autres par les pays plus pauvres. Les pays développés estiment avoir faits ou pouvoir faire des concessions dans les deux derniers dossiers, ce qui leur permet d'attendre des pays plus pauvres qu'ils acceptent le contenu des propositions dans le dossier concernant la facilitation du commerce.

    Qu'est-ce que la facilitation du commerce ?

    La facilitation du commerce recouvre les règles que les pays mettent en place pour rendre les échanges internationaux plus fluides et plus surs. Il s'agit d'améliorer les échanges par l'harmonisation des procédures en douanes, par leur accélération et leur facilitation, avec, le cas échéant, une amélioration (par hypothèse financée par les pays plus riches) des capacités commerciales des Etats (en termes d'infrastructures techniques notamment).

    Ce dossier se négocie en même temps que la question du traitement spécial et différencié (TSD) dont pourraient bénéficier les pays en développement, l'idée étant qu'ils acceptent les nouvelles règles de facilitation du commerce contre un traitement spécial leur permettant d'adapter le rythme d'adoption des règles nouvelles à leur situation particulière.

    On voit se dessiner un clivage entre les pays développés et certains pays émergents (Chine, Corée, Singapour …) et les PMA sur ce que comporterait effectivement le TSD (général ou pas), sachant que pour les pays en développement qui se sont exprimés sur la question, les propositions sur la table auraient pour effet non pas tellement d'améliorer leur insertion dans le marché mondial en augmentant leurs exportations mais bien plutôt à faciliter leurs importations en provenance des pays développés – de surcroît au prix d'une intrusion dans les politiques nationales par l'introduction de ces nouvelles règles (avec, au passage, un nouvel abaissement de fait des tarifs douaniers). Le clivage se dessine aussi sur le rythme proposé de mise en place de ces normes, les pays développés plaidant pour une application rapide, les pays en développement estimant qu'ils doivent avoir une latitude pour s'adapter.

    Concernant l'agriculture (sujet crucial à l'OMC), le clivage demeure sur la question des subventions, à quoi s'ajoute celle de la constitution de stocks publics et de prix administrés, question préoccupante depuis les épisodes de crises alimentaires graves (sur le riz, les émeutes considérables un peu partout dans les monde) de ces dernières années. Comme toujours, les pays en développement ont demandé que les règles agricoles existantes soient modifiées afin de leur permettre de subventionner les agriculteurs et promouvoir la sécurité alimentaire. Les États-Unis y sont fermement opposés, tout en continuant à ne pas vouloir réduire leurs propres subventions à l'industrie agroalimentaire.

    Cette année, la négociation se concentre autour de la question de la « clause de paix ». Les pays s'engageraient à ne pas déposer de demandes les uns contre les autres devant l'Organe de règlement des différends si les subventions vont au-delà des niveaux consolidés tant qu'une solution permanente est négociée. À bien des égards, les pourparlers se résument à la question de savoir si l'Inde va exiger une clause de paix indéfinie dans le temps et qui durerait jusqu'à ce qu'un changement permanent soit accepté, ou si les Etats-Unis maintiennent leur demande que la clause de paix ne soit que temporaire, le temps de laisser aux pays celui d'aboutir à un accord - tout en exigeant que les pays en développement donnent dès maintenant des engagements contraignants et permanents sur la facilitation du commerce. Il semble d'ailleurs que déjà l'Inde cède et soit prête à ce contenter d'une clause de paix de 2 ou 3 ans pour que son programme d'achats de produits alimentaires (essentiellement blé et riz) ne soit pas poursuivi. Si cela se vérifie, c'est une abdication de l'Inde qui fera du tort à tous les autres PED.

    Concernant le développement et des PMA, la revendication des pays les moins avancés et de nombreux autres pays en développement consiste à demander des flexibilités ou, pour le dire autrement, que les règles de la concurrence est trop difficile à mettre en œuvre et que les pays qui en ont besoin devraient pourvoir bénéficier d'une certaine souplesse du fait de leur situation objectivement défavorisée. Deux éléments du dossier : les règles d'origine préférentielle et le coton.

    L'accord sur les règles d'origine (instauré dans l'accord fondateur de l'OMC) définit les règles d'origine comme celles appliquées par les Etats membres "pour déterminer le pays d'origine des marchandises, à condition que ces règles d'origine ne soient pas liées à des régimes commerciaux contractuels ou autonomes qui donnent lieu à l'octroi de préférences tarifaires." (article 1-1).

    Ainsi, les Etats peuvent prendre une réglementation qui marque l'origine des produits dans un certain nombre de cas, et parfois cela peut être des mesures de sauvegarde (cas exceptionnels, temporaires et conditionnels où le pays peut prendre des mesures discriminatoires pour sauvegarder sa production) ou et des restrictions quantitatives ou de contingents tarifaires discriminatoires (quand exceptionnellement elles sont autorisées, toujours de manière transitoire). Ils peuvent aussi mettre en place une réglementation relative au marquage de l'origine (appellations d'origine contrôlées).

    Les PMA estiment que ces dispositions, si elles sont appliquées de manière large, pérenne voire systématique seraient un instrument utile pour permettre des aménagements des règles de l'OMC à leur situation, ce qui est leur revendication première depuis le début. Essentiellement, dans les négociations en cours, il s'agit de permettre des échanges discriminés en faveur des PMA (d'un côté, ils pourraient restreindre les importations, de l'autre les pays développés importeraient leurs produits, notamment le coton, "en DFQF" <libre de droits, sans contingents>).

    A propos de coton, déclaration le 30 octobre du président du groupe "Développement et PMA". Il indique que le groupe des 4 (pays qui ont fait une proposition, Bénin , Burkina Faso, Mali et Tchad) veut une décision lors de la conférence ministérielle pour permettre au coton en provenance des pays les moins avancés d'avoir accès aux marchés des pays développés en franchise de droits et au moins dans certains pays en développement d'ici 2015, et d'éliminer les subventions à l'exportation restantes pour le coton dans les pays développés immédiatement. Ils demandent également une décision d'ici la fin de 2014, sur la façon de réduire le soutien interne pour le coton. Il a indiqué qu'un accord intérimaire est nécessaire à Bali, ce qui aiderait établir un programme clair pour le coton dans les négociations sur l'agriculture à long terme

    Analyses, réseaux et mobilisations

    OWINFS, réseau auquel appartient Attac, estime que les minuscules avancées sur l'agriculture et sur le développement ne doivent pas se payer par une acceptation des propositions sur la facilitation du commerce qui sont trop déséquilibrées en faveur des pays développés puisqu'elles visent essentiellement à améliorer les importations (ou les exportations des pays exportateurs qui se trouvent être les pays développés).Ce réseau considère qu'il est est possible de soutenir les propositions sur l'agriculture et le développement (sous réserve de dénoncer leur timidité) puisque ce serait la première fois que l'idée d'une adaptabilité des règles de l'OMC à la situation concrète des pays en difficultés serait acceptée comme telle.

    Il organise un certain nombre d'événements à voir sur le site : http://www.ourworldisnotforsale.org/

  • Accord économique entre le Canada et l'Europe - Le libre-échange canadien et la campagne électorale

    Québec.jpgAngela Merkel et Stephen Harper viennent d’annoncer avec insistance la nécessité de conclure l’Accord économique commercial global (AECG) avec l’Union européenne. Tout cela peut sembler bien loin des préoccupations québécoises. Pourtant, cet accord concerne directement de nombreux champs de juridiction du Québec. Et pas les moindres : la santé, l’eau, l’agriculture, l’éducation, la culture, les marchés publics et l’investissement.

    En fait, sa portée est si grande qu’après son adoption, nous ne vivrons plus dans le même Québec.

    L’accord est absent des plateformes électorales des différents partis politiques, sauf de celle du Parti libéral du Québec. Ses conséquences seront pourtant telles qu’elles dépasseront largement le mandat du prochain gouvernement élu. Selon l’avocat Steven Shrybman, dans un avis donné au président du Syndicat canadien de la fonction publique, l’approche adoptée dans cet accord « livre les prérogatives des futurs gouvernements provinciaux et territoriaux à la merci du gouvernement actuel qui peut, aujourd’hui, imposer ses vues à tous les gouvernements qui seront élus par la suite pour diriger cette province ou ce territoire ».

    Le futur parti au pouvoir aura donc d’énormes responsabilités, puisqu’il devra décider de ce qui affectera sa population pendant de longues années, malgré les éventuels choix électoraux des citoyens. Les libéraux ont décidé de maintenir le secret le plus opaque autour des négociations. Pressés de s’expliquer à ce sujet par des députés de l’opposition, ils ont fermement maintenu leur position : les Québécois ne sauront rien de ce que leur gouvernement est prêt à offrir aux Européens dans les négociations, même si celles-ci affecteront les secteurs les plus vitaux de notre économie.

    Ce que l’on sait des négociations

    Le travail de plusieurs organisations de la société civile, à partir de fuites et de rares rencontres avec des négociateurs, a permis de dresser un portrait inquiétant des négociations en cours. Le Canada et les provinces semblent prêts à garantir aux multinationales européennes un accès très large à notre marché. Les Européens, quant à eux, demeurent nettement plus prudents : ils ont établi dans les mêmes secteurs de solides « réserves », c’est-à-dire qu’ils refusent de les ouvrir inconsidérément à la concurrence des entreprises canadiennes. Cet accord ne se négocie donc pas dans la réciprocité.

    En vertu de la clause de l’ALENA intitulée la nation la plus favorisée, les provinces devront aussi ouvrir les mêmes secteurs aux entreprises étatsuniennes et mexicaines. Les monopoles d’État et les services publics qui n’auront pas été adéquatement protégés s’éroderont peu à peu pour laisser une place toujours plus grande à l’entreprise privée.

    L’accord prévoit l’ouverture des marchés publics, provinciaux et municipaux à la concurrence internationale. Devant l’impossibilité de discriminer en notre faveur, et à cause de la règle du plus bas soumissionnaire, il deviendra très difficile pour nos gouvernements de développer des politiques d’achat local, de développement régional, ou des plans favorables à l’emploi de qualité et à la protection de l’environnement.

    De plus, l’ouverture encore plus grande de ces marchés à de puissantes entreprises ne mettra pas fin aux problèmes de collusion et de corruption, bien au contraire. En position d’oligopole, celles-ci pourront aisément se répartir les contrats publics, tel que révélé par de nombreux cas en Europe.

    L’AECG inclura des règles sur l’investissement qui permettront à des investisseurs de porter plainte contre un État lié par l’accord si des réglementations limitent l’accès au marché escompté, même si ces réglementations ont été conçues dans l’intérêt public. Cette reconduction probable du fameux chapitre 11 de l’ALENA porte profondément atteinte à l’autonomie des gouvernements. Ce que reconnaît d’ailleurs le gouvernement canadien sur son site Web : « il se pourrait que les gouvernements s’abstiennent tout simplement de proposer des règlements par crainte de poursuites ».

    Un débat public s’impose

    Des enjeux aussi fondamentaux, paradoxalement, ne sont pas souvent abordés dans une campagne électorale, alors que les partis cherchent à marquer des points, font des annonces partisanes, lancent des promesses et privilégient l’approche clientéliste. Un véritable souci pour la démocratie nécessite aussi de s’exprimer sur des sujets moins rentables électoralement, mais qui concernent des choix qui marqueront notre avenir. Ce qui va bien au-delà de quelques annonces ponctuelles.

    L’AECG nous questionne ni plus ni moins sur le type de société dans lequel nous voulons vivre. Souhaitons-nous préserver l’intégrité de nos services publics ou les ouvrir au privé et à la concurrence étrangère ? Tenons-nous à ce que nos gouvernements puissent adopter librement des lois pour limiter le pouvoir des entreprises, favoriser le développement local et protéger l’environnement ? Ou le libre marché doit-il entraîner une déréglementation toujours plus grande ? Faut-il tout marchandiser ou déterminer ce qui appartient à tous et relève du bien commun ? Faut-il continuer à négocier l’entente en secret ?

    De pareilles questions peuvent et doivent être débattues dans la présente campagne électorale. D’autant plus que selon les négociateurs, l’accord devrait être conclu au cours de la prochaine année. Il est prévu que l’accord, incluant les annexes, fera beaucoup plus de mille pages rédigées dans un langage juridique sibyllin. Nos politiciens ne devraient-ils pas expliquer dès maintenant leurs intentions plutôt que d’adopter plus tard une entente dont ils n’entreverront pas toutes les conséquences parce qu’ils n’ont pas eu à se prononcer à son sujet ?

    Parce qu’il touche tant de secteurs vitaux qui affectent le fonctionnement même de notre société, il serait donc essentiel de faire de l’AECG un important enjeu électoral, comme l’accord de libre-échange avec les États-Unis l’a été dans le passé. Les défenseurs de l’accord prétendent qu’il sera bon pour notre économie. Aucun pourtant n’a réussi à démontrer concrètement ce qu’il nous apportera, sinon de nous promettre comme un Eldorado l’accès à un grand marché de 500 millions d’habitants déjà largement ouvert.

    Les crises qui se succèdent nous montrent à quel point une ouverture tous azimuts des marchés peut être nocive. Plutôt que de nous précipiter à l’aveugle dans des accords de libre-échange dont on n’a jamais fait de bilan convaincant, ne serait-il pas bon de réfléchir, comme nous l’ont rappelé les étudiants, à nos choix collectifs et à l’essence même de notre organisation sociale ?

    Article publié dans "Le Devoir" du 20 août 2012, Claude Vaillancourt - Président d’ATTAC-Québec

  • UE-Canada : lobbying et libre-échange polluent la planète !

     

    Attac.jpgLe 23 février 2012, aucune majorité qualifiée ne s'est dégagée parmi les représentants des 27 États de l'Union Européenne appelés à se prononcer sur les modalités de mise en œuvre de la directive sur la qualité des carburants. Adoptée en 2008, cette directive pourrait empêcher les carburants les plus polluants, tels que ceux issus des sables bitumineux (1) et des huiles de schistes, d'entrer en Europe. Sous la pression du Canada et des lobbies pétroliers, la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni se sont abstenus, tandis que l'Italie ou l'Espagne ont voté contre le projet. La décision finale est renvoyé au Conseil de l'environnement qui se réunira en juin prochain.

    Le Canada s'est « réjoui » du résultat, tout en réitérant ses menaces de traîner l’Union européenne devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) si elle venait à « discriminer » le pétrole issu des sables bitumineux, produit en Alberta. Engagés dans les négociations d'un Accord économique commercial global (AECG), le Canada et l'Union Européenne multiplient les intimidations et interpellations croisées pour obtenir un accord de libre-échange qui soit le plus favorable possible pour leurs secteurs économiques et financiers respectifs (2).

    Dans le cadre de cette négociation, le Canada a plusieurs fois laissés entendre qu'il n'ouvrirait ses marchés intérieurs qu'à condition que le pétrole issu des sables bitumineux puisse être exporté en Europe. En retour, cet accord permettrait d'intensifier les investissements directs des entreprises pétrolières européennes, comme Total, Shell, BP, Statoil, dans l'exploitation des sables bitumineux. Pour faire du Canada un « nouveau géant de l'or noir », le gouvernement canadien cherche à faciliter l'exportation de ce pétrole, coûte que coûte, aux États-Unis et en Europe, ses deux principaux marchés. Allié aux lobbies pétroliers, la diplomatie canadienne s'active donc depuis des mois, en multipliant les rencontres et évènements auprès des institutions européennes, pour empêcher toute restriction, limitation, encadrement de l'importation ce pétrole de la part de l'Union Européenne.

    Le gouvernement canadien est manifestement arrivé à ses fins, bien aidé par le peu d'entrain des pays Européens à prendre des mesures réellement contraignantes en matière environnementale. En soutien d'Attac Québec et de la société civile canadienne mobilisée contre cet Accord économique commercial global, Attac France exige des gouvernements des pays Européens qu'ils empêchent toute importation de ce pétrole sale en Europe. Ainsi, ils feraient d'une pierre deux coups : étrangler de l'extérieur l'industrie des sables bitumineux, l'une des plus dévastatrices qui existe ; stopper les négociations de ce nouvel Accord économique commercial global entre l'UE et le Canada qui va à l'encontre des intérêts des populations.

    L'ensemble de ces questions feront l'objet de nombreux ateliers lors du Forum Alternatif Mondiale de l'Eau (14 – 17 mars) qui se tiendra à Marseille à l'initiative d'Attac France et de nombreux mouvements et organisations de la société civile internationale. (www.fame2012.org)

    Attac France, le 5 mars 2012

    1. Le pétrole issu des sables bitumineux est le plus polluant de la planète. Les émissions liées à son extraction sont estimées à 107 grammes d'équivalent CO2 par mégajoule contre 87,5 g pour le pétrole brut. Son exploitation, en plus de nécessiter la coupe de la forêt boréale sur des centaines de kilomètres carrés, requiert d'immenses quantités d'eau et d'énergie. L'écosystème dont vivait les populations locales est complètement dévasté et pollué et ces dernières développent d'alarmants taux de cancer.

    2. Par exemple, les tarifs douaniers du Canada étant très faibles, l'Union Européenne cible principalement les "barrières non tarifaires" pour faciliter l'accès de ses multinationales à des secteurs réglementés comme la santé, l'éducation et puissent candidater sur les marchés publics fédéraux ou provinciaux.

  • Accord UE-Canada : pourquoi Attac doit se mobiliser

    Depuis que l'OMC patine, embourbée dans ses propres contradictions, les accords de libre-échanges régionaux se multiplient entre l'Union européenne et le reste du monde. Celui entre le Canada et l'UE n'a pas jusqu'ici suscité dans le mouvement l'attention qu'il mérite : c'est dommage car il aura des conséquences considérables.

    Les choses se précisent concernant les négociations. Une cession de négociations se tiendra à Bruxelles du 11 au 15 juillet. Elle est présentée, par le négociateur en chef canadien, comme cruciale et il semble qu'il ait raison.

    En effet, sera dévoilée la liste négative des engagements des partenaires ; la question de l'investissement sera fixée ; les questions d'accès aux matières premières seront traitées ainsi que celle de la réglementation environnementale de l'UE.

    1 - La liste des engagements

    Sous ce terme barbare se dissimule ce qui est conçu comme un accélérateur des négociations. Jusqu'ici,à l'OMC ou dans d'autres accords de libre-échange, les partenaires de négociations ont engagé des listes dites "positives", c'est-à-dire des listes de secteurs retenus pour être libéralisés. Ainsi, pour l'AGCS par exemple, l'UE a dressé un long tableau des secteurs qu'elle accepte de voir libéralisés, autrement dit, qu'elle consent à ouvrir à la concurrence. Avec l'accord UE-Canada, c'est l'inverse : les partenaires sont invités à soumettre les secteurs qu'ils ne veulent pas voir libéraliser.

    Cela équivaut à augmenter l'ampleur des secteurs libéralisés : en effet, comme tous les textes juridiques (et un accord international en est un), l'interprétation des termes se fait strictement, autrement dit sans extrapolation. Là, il est convenu que tout est négociable, tous les secteurs sont susceptibles d'être libéralisés et soumis à la concurrence, sauf ceux qui seront définis strictement dans l'accord, et qui, par définition, seront réduits par la négociation. Tout ce qui n'aura pas été porté sur la liste, tout ce qui en sera retiré à la faveur des négociations, sera réputé libéralisable. En somme, l'UE accepte une libéralisation d'une ampleur non-maîtrisée.

    Par ailleurs, l'UE n'a pas informé sur cette liste et n'a aucune intention de le faire. Cela se fera après, quand tout sera bouclé, autrement dit, trop tard.

    - Les investissements

    L'accord UE-Canada n'innove pas seulement sur la question de la liste négative, il instaure une régression démocratique qui a un précédant, l'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI) négocié en catimini en 1998 dans le cadre de l'OCDE.

    Ici, il s'agit de permettre aux investisseurs de poursuivre directement l'Etat ou une instance infra étatique (un collectivité locale, une province etc.) qui prendrait des mesures réglementaires de toute nature susceptibles de réduire leurs bénéfices escomptés. L'accord de Libre-échange Nord-Américain prévoit ce genre de mécanisme dans son chapitre 11, avec des conséquences célèbres : c'est ainsi que l'entreprise MetalClad, qui voulait enfouir du plomb en surface dans le sol mexicain a obtenu un compensation pharaonique de l'Etat mexicain qui avait commis l'imprudence de le lui interdire pour des motifs de protection de l'environnement. C'est ce genre de mécanisme dont les détails de la mise en œuvre sera discutée en juillet. Pour l'instant, le mécanisme n'est pas arrêté : faut-il mettre sur pieds un organe de règlement des différends et si oui (ce qui semble logique), comment? C'est de cela dont il sera question, le principe étant arrêté. Nos amis canadiens nous informent que le gouvernement allemand pousse pour que le mécanisme le plus dur soit mis en place.

    En son temps, le mouvement social s'était largement mobilisé pour obtenir que l'AMI soit retiré. Nous en sommes loin actuellement, et ce à quelques semaines d'une négociation cruciale.

    3 - L'accès aux matières premières

    Les canadiens demandent l'accès aux ressources naturelles. Ils sont particulièrement attentifs à l'extraction du pétrole des sables bitumineux. Son extraction est fortement émettrice de gaz à effet de serre et le gouvernement canadien l'autorise dans l'Alberta. Il souhaite que l'UE cesse de réglementer, voir d'interdire cette extraction sur son sol. Il apparaît que sur cette question des intérêts croisés se mobilisent : les lobbies pétroliers ont un accès direct aux décideurs, et le groupe Total est fortement intéressé par l'exploitation de ce pétrole qui ferait reculer le pic pétrolier (et la nécessaire transition énergétique) de plusieurs dizaines d'années. L'actionnaire principal de Total est la canadienne Power Corporation. L'accord UE-Canada amènerait à lever l'obstacle de l'exploitation du pétrole de sables bitumineux en Europe -- en attendant d'autres levées de réglementations.

    Par ailleurs, si l'UE a refusé que sa réglementation sur les OGM soit négociée, rappelons que l'UE est toujours sous le coup d'une négociation de l'OMC relative au bœuf aux hormones. Le Canada demande que l'accord soit l'occasion de régler ce différend dans le sens d'une acceptation par l'UE de l'importation de ce type de viande.

    4 - Réglementations environnementales

    Outre celle évoquée plus haut concernant le pétrole, le Canada annonce officiellement sa volonté d'affaiblir la directive REACH. Celle-ci réglemente la mise sur le marché des nombreux produits chimiques intégrés dans les objets de consommation courante et avait pu être considérée, au moment de son adoption, comme édulcorée par les différents mouvements environnementalistes. C'est encore largement au-dessus de la réglementation canadienne.

    Conclusion

     Les Canadiens demandent l'accès aux ressources naturelles (pétrole), l'affaiblissement de REACH et se trouvent prêts à accepter, en contrepartie, un accès à leurs services publics pour les grandes entreprises européennes demandeuses. Le Canada, et surtout le Québec, compte beaucoup de services publics non encore privatisés, contrairement à l'UE. De leur côté, les entreprises de services européennes seront ravies de mettre la main sur les services publics d'un pays à la population solvable.

    Cet accord est une régression démocratique puisqu'il laisse aux entreprises la possibilité de placer les Etats sous un chantage permanent, celui de les poursuivre et d'obtenir leur condamnation s'ils réglementent les activités que ces entreprises convoitent.

    Cet accord aura des conséquences sur les questions d'environnement en facilitant la perpétuation d'un système productiviste et extractif dont nous savons qu'il est un échec.

    Par ailleurs, le Canada fait partie de l'ALENA avec le Mexique et les Etats-Unis. Cet accord exige que tous les engagements internationaux des Etats partenaires soient compatibles avec lui. Autrement dit, l'accord UE-Canada ouvre la voie à l'instauration, à terme, d'une vaste zone de libre-échange entre les Etats-Unis, l'Union européenne, le Canada et le Mexique.

    Jusqu'ici, les mobilisations n'ont absolument pas été à la hauteur, en dépit des alertes. Les mouvements français ont un rôle à jouer déterminant, vue la proximité culturelle avec le Québec. Attac doit se décider à prendre sa place dans ce combat.

    Frédéric Viale, Commission OMC/AGCS d'Attac France