On vaut toujours mieux que ça !
Selon le récit mis en scène par les médias, les concessions faites par le premier ministre sur le projet de loi en feraient un « texte équilibré » comme sont censées le montrer les réactions symétriques du patronat qui proteste contre les « reculs » du gouvernement et de syndicats qui comme la CFDT parlent d’un texte « porteur pour les jeunes et les salariés ». La réalité est bien différente.
Sur un marché du travail où, du fait des 6 millions de chômeurs et des réformes précédentes qui ont déjà œuvré au détricotage du droit du travail, le patronat dispose d’un rapport de forces écrasant, ce projet de loi, même amendé, va très loin dans la déconstruction des protections des salariés. Sans attendre le texte qui sera présenté en conseil des ministres le 24 mars, et qu’il faudra bien sûr lire attentivement, on peut déjà tirer quelques conclusions des annonces faites hier.
Devant l’ampleur du mouvement social qui s’est affirmé le 9 mars, le gouvernement a certes concédé quelques limites à quelques-unes des mesures les plus provocatrices du projet initial (plafonnement des indemnités prudhommales, forfait jour, temps des travail des apprentis mineurs). Mais il maintient nombre de mesures régressives et dangereuses du projet initial :
- inversion des normes,
- extension des critères du licenciements économiques,
- maintien du périmètre national pour apprécier la réalité des difficultés économiques (le contrôle du juge n’ayant lieu... qu’a posteriori, une fois les licenciements prononcés),
- validation des accords de "préservation ou développement de l’emploi" qui permettent d’imposer en cas de difficultés économiques conjoncturelles des réductions de salaire et/ou la flexibilité du temps de travail (le salarié refusant étant alors licencié pour motif personnel et non pour motif économique, ce qui lui fait perdre le bénéfice du reclassement),
- possibilité donnée à Pôle Emploi de récupérer directement les trop-perçus versés aux chômeurs sans en passer par le juge,
- limitation des visites des médecins du travail à rebours de leur mission de prévention,
- insécurisation économique des expertises CHSCT...
En outre, ce n’est que faussement que les inquiétudes de la jeunesse sont prises en compte puisque la « généralisation de la garantie jeunes » promise pour 2017 (sans être financée...) était déjà dans les tuyaux et avait même été initialement fixée au... 1er janvier 2016 ! Quant à l’augmentation annoncée des droits à la formation pour les moins qualifiés, elle reste limitée et elle ne fait pas du CPA, pour l’instant, autre chose qu’une coquille vide - d’autant plus que les dispositifs d’« épargne-temps » en sont exclus...
Ce projet reste donc un projet de déréglementation du travail particulièrement grave, qui ne fera le bonheur que des marchés financiers et des dirigeants du CAC 40 ! Qui plus est, il ne répond pas aux enjeux de protection du travail qu’exige l’économie du 21e siècle ! Seule l’amplification du mouvement permettra le retrait de ce projet et la discussion de nouveaux droits sur une autre base.
Attac appelle à participer aux mobilisation prévues les 17, 24 et 31 mars, à commencer par celles de jeudi prochain.
Attac France — 2016