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Les difficultés des "LBO" pèsent sur les banques

Les "LBO" (Leverage Buy Out) (1) seront-ils la prochaine bombe financière à l'origine d'énormes pertes pour le secteur bancaire ? Plus la crise économique s'étire, plus l'inquiétude grandit envers cette technique financière consistant à racheter des entreprises "à crédit", plus exactement avec un fort recours à l'emprunt. Après avoir fragilisé des centaines de PME en France, ce mode de financement très prisé dans les années 2000, en période d'argent facile, menacerait la stabilité des banques.

A fin 2008, les établissements avaient en stock 60 milliards d'euros de prêts accordés à des opérations de LBO dont 8,9 milliards d'euros sont inscrits au bilan de BNP Paribas et 5,4 milliards à celui de la Société générale. Sur cet encours, les experts estiment que près de 50 % seraient "en danger", soit 28 milliards de pertes potentielles pour les banques... et plus que le montant de l'aide de l'Etat au secteur bancaire pour passer le cap de la crise des subprimes.

Comment en est-on arrivé là ? En 2008, 1 500 entreprises ont été rachetées par des fonds d'investissement dits de LBO, qui ont emprunté 50 %, 70 %, parfois 80 % et plus de la mise nécessaire. Les entreprises étaient censées rembourser elles-mêmes cette énorme dette grâce à leurs profits, aidées par la croissance. Ces fonds entendaient ainsi profiter du crédit bon marché, et revendre les sociétés avec une confortable plus-value quatre ou cinq ans plus tard.

Mais la crise a changé la donne. Les entreprises sont à la peine, leurs bénéfices chutent, la dette jusqu'ici acceptable devient intenable. Mois après mois, des dossiers délicats sont portés à la connaissance du public : Desjonquère

DES INTÉRÊTS OPPOSÉS

Selon l'AFIC, l'association qui représente les fonds d'investissement en France, 20 % des entreprises sous LBO auraient des difficultés à rembourser leur dette. "Ces chiffres sont peut-être sous estimés, avoue Jean-Louis de Bernardy, président de l'AFIC et fondateur d'un des premiers fonds de LBO en France. En 2009, la situation est plus difficile encore."

Conscients de leur impopularité, en particulier vis-à-vis des syndicats, les fonds ont décidé d'un code de bonne conduite "pour rappeler aux acteurs de LBO, aux fonds et aux banques, qu'ils doivent régler leurs problèmes entre eux et préserver en priorité l'entreprise", souligne M. de Bernardy. "S'il y a une "bombe LBO", les victimes doivent être les banques et les fonds et surtout pas les entreprises et leurs employés,martèle-t-il. Le LBO est un jeu entre adultes consentants, les fonds et les banques savent les risques qu'ils prennent."

Reste que les intérêts de ces protagonistes sont opposés. Pour préserver leurs profits, les fonds sont prêts à renflouer l'entreprise sous réserve que les banques renoncent à une grosse part de leur dette. "Les banques sont aussi coupables, certaines nous ont incités à emprunter des sommes excessives", argue le patron d'un grand fonds européen.

Mais le secteur bancaire, déjà ébranlé par la crise des subprimes, n'est pas prêt à un tel sacrifice. Pour les cas extrêmes, il privilégie, le rééchelonnement de la dette ou sa conversion en actions. "Il faut jouer la durée pour soulager les entreprises", plaide aussi René Ricol, le médiateur du crédit, dénonçant la "froideur gestionnaire" des patrons de fonds. Cependant, même si elles parviennent à échanger leur dette, les banques ne sont pas protégées. Car nul ne sait combien de temps durera la crise.

Certaines, à l'image de BNP Paribas, se disent pourtant sereines. "Notre portefeuille LBO ne doit susciter ni de fausses attentes, ni de fausses inquiétudes, a récemment déclaré son directeur général, Baudouin ProtIl se répartit entre 400 dossiers, à 95 % sur de la dette senior (garantie), à 46 % en France. C'est un portefeuille de qualité."

"Les LBO ne sont pas les nouveaux subprimes", avertit aussi Eric Delannoy de la société de conseil Weave, pour qui moins de 10 % de la dette LBO est en risque. Même si le danger LBO existe pour M. Delannoy, il est en fait bien moindre que celui des défauts de paiement des ménages frappés par la récession et le chômage.

Le Monde, 26/06/09, Claire Gatinois et Anne Michel

1. Lexique. Le Leverage Buy Out (LBO) est une technique financière utilisée par les fonds d'investissement qui permet de racheter une société en ayant un fort recours à l'emprunt. Un "effet de levier" dope les profits. Le remboursement de la dette est supporté par l'entreprise elle-même.

Chiffres. Les premières opérations de LBO ont débuté dans les années 1980, dans les pays anglo-saxons. La plus célèbre et la plus décriée étant le rachat par le fonds américain KKR du groupe RJR Nabisco, à l'origine du livreBarbarian are at the gate (ed. Arrow, 2004). En Europe, elles se sont multipliées au début des années 2000. En France, en 2008, 1 500 sociétés ont été rachetées avec cette technique, dont 20 % seraient en difficulté à cause de leur fort endettement.

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