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Goldman Sachs vendait à ses clients des subprimes...

…dont il se débarrassait en douce

Le visiteur de la tour de béton à l'architecture impersonnelle du 85 Broad Street, siège social de Goldman Sachs, se voit souvent offrir, en guise de cadeau de bienvenue, un livret intitulé Our Business Principles ("nos principes en affaires"). Le précepte numéro un proclame : "L'intérêt de nos clients vient toujours en premier lieu." Mais selon une récente enquête du New York Times, le mastodonte des services financiers a aussi tendance à privilégier ses propres intérêts.

Ainsi, en 2005, deux traders stars de Goldman - Jonathan Egol et le Français et centralien Fabrice Tourre - mettent au point un produit financier basé sur un portefeuille de titres de créances comprenant essentiellement des subprimes, des crédits hypothécaires à risque. Ces CDO (collaterized debt obligations), baptisés Abacus, sont vendus à des investisseurs institutionnels, fonds de pension et compagnies d'assurance à la recherche d'un placement jugé sûr en raison de l'expansion, à l'époque, du marché immobilier.

Mais, en 2006, les analystes de Goldman concluent à la fin prochaine de la bulle immobilière. Dans la plus grande discrétion, la banque se débarrasse progressivement de son portefeuille de crédits à risque - tout en continuant à les vendre à ses clients. Lorsque la bulle éclate, Goldman peut se targuer de bénéfices substantiels. Mais les acheteurs de ses CDO y laissent leur chemise.

L'affaire est suffisamment sérieuse pour que la commission américaine des opérations de Bourse (SEC) et le Congrès se soient emparés du dossier. La mission des enquêteurs est de déterminer si Goldman, mais aussi Morgan Stanley, Deutsche Bank et des hedge funds (fonds spéculatifs), ont délibérément violé la réglementation sur le négoce des titres en alimentant par leurs opérations la baisse de leurs CDO.

"Il est impossible de gérer un mastodonte comme Goldman, présent sur tous les compartiments du marché, de manière éthique", souligne un ancien cadre de "la firme" - c'est le surnom de la banque -, tenu à l'anonymat par les conditions de son contrat de rupture.

Juge et partie

Goldman Inc. illustre jusqu'à la caricature le problème des multiples conflits d'intérêt des "supermarchés" de la finance offrant toute la panoplie des activités. L'entreprise est souvent juge et partie.

Par exemple, Goldman est un prime broker, c'est-à-dire qu'elle fournit les services et le financement aux hedge funds. Parallèlement, la banque possède des fonds maison concurrents de ceux de ses clients. Ce conflit se retrouve dans le négoce pour compte propre, en particulier dans les matières premières, à commencer par le pétrole. L'expertise reconnue de ses analystes peut influencer les cours de l'or noir. Par ailleurs, l'enseigne spécule allégrement sur le prix du baril pour son compte propre.

Goldman Sachs dément les accusations du New York Times. Selon un porte-parole, la compagnie n'a fait que satisfaire la demande de ses clients, des investisseurs sophistiqués conscients des risques. Lesdits professionnels sont d'ailleurs restés jusqu'au bout optimistes quant à l'évolution du marché immobilier, insiste la banque.

Le rôle de premier plan, dans ce dossier, joué par Fabrice Tourre souligne combien les Français, pourtant réputés individualistes, s'intègrent bien dans le mode opératoire collectif de Goldman Sachs. Isabelle Ealet, patronne de l'activité matières premières, et Pierre Henri Flamand, chef du trading des capitaux de l'institution, se sont aussi hissés au plus haut niveau de l'activité spéculative. Fidèles au septième des "quatorze points" : "Il n'y a pas de place chez nous pour ceux qui mettent leurs intérêts propres avant ceux de l'entreprise et ceux des clients."

Marc Roche, Le Monde du 29/12/2009

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