Depuis dimanche, on entend Emmanuel Macron se féliciter d’un « G7 utile » : selon lui, des décisions et des accords allant dans le bon sens auraient été pris. A y regarder de plus près, le vernis de la communication officielle craque. Qu’il s’agisse de lutte contre les inégalités, de taxation des géants du numérique ou de lutte contre les dérèglements climatiques ou contre la destruction de l’Amazonie, les effets d’annonce masquent des décisions qui sont très loin d’être à la hauteur des enjeux.
Inégalités : beaucoup de bruit pour rien
Avant le G7, l’Elysée faisait la promotion d’un Sommet dont l’objectif principal serait la "lutte contre les inégalités", alors même que la politique menée en France par Emmanuel Macron, notamment en matière fiscale, creuse les inégalités en faveur des plus riches. Or, cette question des inégalités a disparu de la déclaration finale et semble avoir été très peu discutée.
Taxe GAFA : un "très bon accord" ?
La taxe GAFA adoptée par la France en 2019 a suscité une vive opposition entre Donald Trump et Emmanuel Macron ces derniers mois, le président états-unien ayant pointé la "stupidité" de son homologue français à ce sujet et ayant menacé de représailles sur le vin français. A l’issue du G7, Emmanuel Macron affirme avoir « trouvé un très bon accord » avec Donald Trump à ce sujet. Qu’en est-il ?
En fait le G7 a réaffirmé la promesse, faite bien avant Biarritz, de trouver un accord pour une fiscalité internationale des entreprises du numérique à l’OCDE en 2020.
La principale nouveauté, c’est que la France s’engage à rembourser la taxe GAFA aux géants du numérique si un accord international est trouvé : l’administration fiscale française regardera combien les entreprises ont payé avec la taxe GAFA, et combien elles auraient dû payer avec la nouvelle formule de la taxe internationale. S’il y a une différence en défaveur des entreprises, elle procédera à des remboursements.
Selon Raphael Pradeau, porte-parole d’Attac France : "Attac a montré que la taxe GAFA, d’un montant symbolique, ne résout en rien le problème de l’évasion fiscale pratiquée massivement par les géants du numérique (https://france.attac.org/nos-publications/notes-et-rapports/article/la-taxe-gafa-une-fausse-solution-a-l-evasion-fiscale). Au vu de ces déclarations, on peut craindre un accord international qui taxe encore moins les entreprises du numérique que la taxe GAFA : il s’agirait donc de remplacer une taxe symbolique par une taxation encore plus symbolique. Cela ne risque pas de mettre un terme à l’évasion fiscale pratiquée par ces entreprises ! On comprend mieux pourquoi les géants du numérique se félicitent de cet accord."
De plus, l’évasion fiscale concerne l’ensemble des multinationales (comme l’illustrent les cas Mc Donald’s, Nike, Total, Engie...) et pas seulement celles du numérique. Il est donc urgent de prendre des décisions pour que toutes les multinationales paient leur juste part d’impôt.
Si les États voulaient vraiment lutter contre l’évasion fiscale, ils devraient instaurer une taxation unitaire. Attac a calculé qu’avec une telle taxation Apple, Microsoft, Facebook et Google devraient payer en France un impôt sur les sociétés de 7 à 22 fois supérieur à ce qu’elles ont effectivement payé en 2017 (https://france.attac.org/nos-publications/notes-et-rapports/article/la-taxation-unitaire-pour-lutter-contre-l-evasion-fiscale-des-multinationales ) !
Amazonie et Mercosur :
Face à l’émotion internationale suscitée par les feux de forêts en Amazonie et le refus du président brésilien Jair Bolsonaro d’en faire une priorité, Emmanuel Macron a annoncé, à la veille du G7 de Biarritz, retirer son soutien à l’accord de commerce controversé entre l’UE et le Mercosur.
Pour Maxime Combes, porte-parole d’Attac France, cette annonce vise principalement à désamorcer la mobilisation du monde agricole français contre les accords de commerce en général, CETA y compris ; l’exécutif français manque donc l’essentiel : la France, et plus généralement l’UE, pourraient en effet utilement intervenir, notamment en matière commerciale, pour juguler les causes de la déforestation qui sont de leur responsabilité, comme bannir les importations de produits issus de zones déforestées. En se limitant à l’accord UE-Mercosur, Emmanuel Macron a de fait exclu toute possibilité de réguler directement le commerce des biens, notamment agricoles, les activités des entreprises et les investissements bilatéraux France-Brésil dont une partie est pourtant indissociablement liée aux vecteurs de déforestation en Amazonie}".
Par exemple, en France, l’exécutif pourrait utilement appuyer les efforts des ONG visant à ce que les entreprises françaises appliquent la loi sur le devoir de vigilance votée en 2017 : n’est-il pas temps que l’ensemble des grandes entreprises françaises s’assurent que leurs filiales et leurs fournisseurs excluent drastiquement tous les produits issus des zones de déforestation ? Enfin, l’exécutif devrait faire preuve d’un peu de cohérence en arrêtant immédiatement de délivrer des permis de recherche et d’exploitations miniers en Guyane (de nouveaux titres ont été délivrés pendant l’été) qui menacent la partie française des forêts tropicales d’Amérique du Sud.
Communiqué du 29 août 2019