Manifestations contre la "réforme" des retraites : les rendez-vous du 19 janvier
Ci-joint le tract d'appel intersyndical aux manifestations du 19 janvier à Châtellerault et Poitiers :
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Ci-joint le tract d'appel intersyndical aux manifestations du 19 janvier à Châtellerault et Poitiers :
Lors de la réforme dite Fillon de 2003, le gouvernement d’alors avait tenté de la justifier par l’argument mathématique suivant. Puisqu’en moyenne les deux-tiers de la vie adulte étaient passés au travail et un tiers au temps de retraite, il fallait appliquer cette règle à l’allongement constaté de l’espérance de vie : deux tiers de cet allongement pour travailler plus longtemps, un tiers pour augmenter le temps de retraite ; on avait appelé cela la règle des 2/3-1/3.
À l’époque, les démographes et statisticiens disaient que le gain d’espérance de vie était d’un trimestre par an. Or ce n’est plus du tout le cas. L’espérance de vie augmente très peu : un mois par an environ au lieu d’un trimestre. Ainsi, depuis 2010, les Français ont en moyenne gagné une année d’espérance de vie [2].
Que propose Monsieur Macron ? Une année d’espérance de vie gagnée et trois ans de travail en plus : donc neuf tiers de l’allongement de l’espérance de vie. Par rapport à la réforme Fillon, celle du président Macron est 9/3 / 2/3 = 9/2 = quatre fois et demie plus sévère, plus réactionnaire [3].
Si le projet Macron est mené jusqu’au bout, il faudra attendre 65 ans pour pouvoir partir à la retraite. Ceux qui ont commencé à travailler à 18 ans auront travaillé pendant 47 ans, sauf s’ils bénéficient des dispositifs dits de carrière longue. Ceux qui ont commencé à travailler à 23 ans après des études longues et qui doivent 42 ans de cotisation auront juste 65 ans au moment de partir à la retraite. Donc cela ne changera rien pour eux par rapport à la législation actuelle.
Les économies que veut réaliser le gouvernement se feront donc sur le dos de ceux qui ont commencé à travailler tôt, occupé les travaux les moins bien payés et de, surcroît, les plus pénibles, en un mot les premiers de corvée. Autrement dit, pour ces derniers, et notamment pour les femmes, ce sera la triple peine : mauvaises conditions de travail et mauvais salaires + moindres pensions + moindre espérance de vie.
L’ignorance des écarts d’espérance de vie entre les catégories socio-professionnelles frise l’autisme politique : à 35 ans, l’écart d’espérance de vie entre un ouvrier et un cadre est de 7 ans, et celui de l’espérance de vie en bonne santé est de 10 ans. L’ignorance des inégalités de salaires entre femmes et hommes (22 % en moins en moyenne au détriment des premières), se transformant en 40 % de moins pour les pensions, ajoute le sexisme à l’autisme.
Le gouvernement estime qu’il faut stabiliser la part des pensions dans le PIB à 14 % pour les cinquante années prochaines. Or, pendant ce temps, la proportion de retraités dans la population passera de 18,5 % aujourd’hui à 27,5 % en 2070 selon un scénario central de croissance démographique [4].
Le résultat ne peut être qu’une très forte régression du niveau de vie relatif des personnes âgées par rapport à la population active, quelle que soit l’évolution du niveau absolu du PIB. Le projet Macron ne pourrait qu’accentuer l’effet des réformes passées. Sans les réformes passées, et selon un scénario de croissance annuelle moyenne de la productivité du travail de 1 %, la part des pensions dans le PIB aurait été de 6 points de pourcentage supplémentaires à l’horizon 2070 [5].
Au niveau individuel, la pension moyenne brute relative au revenu d’activité brut moyen passerait de 50,3 % en 2021 à 39,4 % en 2070 selon le scénario de gain annuel de productivité de 0,7 % et à 32,6 % avec le scénario à 1,6 % [6].
Le leitmotiv du gouvernement est qu’il faut augmenter le taux d’emploi des séniors. En 2021, ce taux était de 56,1 % entre 55 à 64 ans, modulé ainsi : 75,1 % de 55 à 59 ans (+24,7 points depuis 2000 du fait des réformes précédentes), et 35,5 % de 60 à 64 ans (+24 points depuis 2000).
Mais près de la moitié des plus de 60 ans sont déjà hors emploi et le COR prévoit un maintien du taux de chômage à 7 % au début de la décennie 2030. Le sas de pauvreté entre l’emploi et la retraite concerne 28,3 % des plus de 60 ans, ceux qui ne sont ni en emploi ni en retraite, et qui doivent vivre avec un RSA, une allocation d’adulte handicapé ou une allocation d’invalidité.
Pourquoi cette obstination à faire travailler plus longtemps ceux qui ont encore un emploi et à maintenir au chômage 7,4 % de personnes en catégorie A, soit 3,185 millions, et 5,447 millions en catégories A, B et C (hors Mayotte) ? Pourquoi conserver une hypothèse de taux d’emploi des femmes qui restera éternellement inférieur de 8 % à celui des hommes ? Quel sens a le maintien au travail des séniors si cela doit empêcher ou retarder l’entrée des jeunes dans la vie active ?
N’est-ce pas la même logique qui a inspiré les deux réformes de l’assurance chômage, visant d’abord à augmenter la durée de travail nécessaire pour le versement des allocations, et ensuite à diminuer celles-ci si la situation économique s’améliore ? La réponse tient dans la fixation du taux de chômage à 9 % comme seuil définissant le passage d’une situation conjoncturelle favorable à une situation défavorable, comme si on considérait que le plein emploi était atteint à ce taux. Et que vaut la promesse de mieux prendre en compte la pénibilité des travaux après en avoir supprimé plusieurs critères (manipulation de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques, agents chimiques dangereux) ?
Pour refuser la moindre augmentation du taux de cotisation vieillesse pour accompagner l’augmentation de la proportion de retraités dans la population, le gouvernement table sur le fait que la répartition de la richesse produite entre travail et capital ne bougera plus pendant les cinquante ans à venir, c’est-à-dire que la part salariale restera figée à un niveau inférieur de 3 à 5 points de pourcentage de PIB à celui qui était en cours avant la phase néolibérale.
De même, il table sur l’arrêt définitif de la tendance séculaire à la diminution du temps de travail [7] ; au contraire, il entend ouvrir une nouvelle ère, celle de travailler toujours plus pour produire n’importe quoi. La rigidité des rapports sociaux ainsi postulée confine au mieux à l’aveuglement, au pire au cynisme.
La perfidie est à son comble en laissant croire que reculer l’âge de la retraite à 65 ans crée le moindre emploi supplémentaire, rendant ubuesque la déclaration du président Macron (22 septembre 2022, interview BFMTV) :
« On doit faire la réforme des retraites de manière transparente et apaisée. En parallèle, on est en train de refonder de grands services publics : l’hôpital, l’école et notre sécurité. Ça coûte de l’argent. Est-ce qu’on peut le financer par le déficit ? Non. Nous sommes un des pays qui a le plus grand déficit en Europe. Peut-on le financer par plus d’impôts ? Non. Nous sommes le pays parmi ceux taxant le plus en Europe.
La vérité, c’est qu’il nous faut travailler plus et produire plus de richesses dans notre pays si nous voulons protéger, avoir une politique de justice sociale et défendre le modèle social français, sa force et son avenir. »
Ubuesque, mais peut-être est-ce une fourberie puisqu’il déclarait lors de sa conférence nationale du 25 avril 2019 à l’issue du prétendu Grand débat national :
« Franchement, ce serait hypocrite de décaler l’âge de la retraite… Quand on est peu qualifié, quand on vit dans une région qui est en difficulté industrielle, quand on est soi-même en difficulté, quand on a une carrière fracturée, bon courage déjà pour arriver à 62 ans ! C’est ça la réalité de notre pays. On va vous dire : non, non, faut aller jusqu’à 64 ans ! Vous savez déjà plus comment faire à 55 ans ! Les gens vous disent : les emplois, ce n’est plus bon pour vous. C’est ça la réalité… Vous dire : mes bons amis, il faut travailler plus longtemps, c’est le délai légal, ce serait hypocrite ! ».
Le gouvernement a compris que plus jamais nous n’aurons une croissance économique durablement forte. Il a fait siennes les hypothèses de plus en plus réduites de croissance de la productivité du travail pour les décennies à venir retenues par le COR.
Comme il n’entend pas remettre en cause la répartition de la valeur ajoutée produite et qu’il assure au contraire de sa volonté à continuer de favoriser les classes possédantes, il n’a plus qu’une solution : contraindre les droits sociaux, contraindre les salaires (dont les hausses sont remplacées par des primes) et stabiliser la part des pensions, donc les diminuer individuellement.
Ainsi, il pense pouvoir répondre positivement aux impératifs pseudo-scientifiques de baisse des dépenses publiques et sociales, soit de manière absolue si le climat social le lui permet, soit en tout cas de façon relative en maintenant la croissance nominale des dépenses publiques et sociales en dessous de la progression de la valeur ajoutée, si minime soit cette dernière. Comme quoi, une réforme remplie de perfidies peut se révéler très cohérente avec les intérêts de la classe dominante.
Jean-Marie Harribey
Communiqué d'Attac France (lundi 31 octobre 2022)
L’association Attac dénonce sans réserve l’emploi du terme « écoterrorisme » par le ministre de l’Intérieur lors de son intervention du 30 octobre à propos de la manifestation contre les méga-bassines du samedi 29 octobre à Sainte-Soline.
En utilisant sciemment ce terme outrancier, Gérald Darmanin fait le choix d’une provocation calculée, tout en recourant à un amalgame typique des méthodes répressives : les manifestations sont nécessairement violentes et les manifestant·es sont des terroristes. C’est un signe inquiétant révélateur d’une dérive dangereuse de criminalisation des mouvements sociaux et écologiques, à l’heure même où les urgences sociales et climatiques se font plus pressantes.
Manifester est un droit constitutionnel et un outil de lutte sociale et collective parmi d’autres. Et cette manifestation était déclarée dans les règles depuis plusieurs semaines. Mais elle a été interdite quelques jours avant, alors que l’organisation était déjà lancée et, surtout, que son motif était et demeure parfaitement légitime. Cette décision d’interdiction a été rapidement suivie de l’envoi de très nombreux gendarmes, du déploiement d’un dispositif disproportionné et dangereux [1], et de déclarations intransigeantes et très dures de la part de la préfecture.
Les manifestant·es savaient parfaitement qu’elles et ils risquaient une amende. Mais les pouvoirs publics auraient voulu provoquer des débordements qu’ils ne s’y seraient pas pris autrement. Les déclarations du ministre de l’Intérieur visent à faire oublier ses choix contestables en matière de maintien de l’ordre. La stratégie qui aurait évité l’escalade n’est pas celle qui a été choisie.
Suite à la manifestation, le ministre de l’intérieur a donc tenté d’instrumentaliser les violences engendrées par ce dispositif répressif pour : faire oublier les raisons pour lesquelles cette manifestation était organisée, discréditer les organisations du mouvement social présentes lors de cette manifestation et régler ses comptes avec les partis d’opposition de gauche. L’État de droit républicain que s’approprie si souvent Gérald Darmanin dans une définition très personnelle mérite mieux que ça.
Enfin, à l’évidence, le terme « écoterrorisme » est également une insulte aux victimes des actes terroristes qui ont durement frappé le pays, ainsi qu’à leurs familles. Assimiler une telle manifestation au Bataclan est insupportable et doit être condamné sans réserve. Cette stratégie discursive indécente ressemble à une entreprise pour faire oublier les crimes climatiques et la responsabilité du gouvernement qu’Attac ne cesse de dénoncer. L’accaparement de l’eau en est un et l’illégalité - et encore moins l’illégitimité - ne se situe pas du côté des manifestant·es.
Attac réitère son soutien aux manifestant·es victimes de la politique d’escalade de la violence de l’État et de ses armes mutilantes et dangereuses, tels que les LBD et les grenades de désencerclement [2]. On rappellera que, suite aux graves incidents survenus pendant le mouvement des Gilets jaunes (presque 8 ans jour pour jour après la mort de Rémi Fraisse à Sivens), le Conseil de l’Europe a demandé à la France de suspendre l’utilisation de ces armes en février 2019.
Le commissaire aux droits humains du conseil avait enjoint les autorités françaises dans son mémorandum de « mieux respecter les droits de l’homme », de « ne pas apporter de restrictions excessives à la liberté de réunion pacifique » et de « suspendre l’usage du lanceur de balle de défense ». Ces agressions sont graves et dénotent la progression d’une inquiétante dérive autoritaire que le ministre de l’Intérieur tente de légitimer [3].
Attac, association citoyenne engagée dans la défense de la justice fiscale, sociale et écologique dénonce la basse manœuvre du ministre de l’Intérieur synonyme de dérive d’un pouvoir manifestement aux abois donc davantage orienté vers la répression.
[1] D’après la préfecture : 1500 gendarmes pour 4000 manifestant•es. Des jets de grenades « en cloche » ont été rapportés.
[2] Les organisateurs font état de 50 blessés dont 5 hospitalisés, et 2 personnes blessées à la tête par LBD40.
[3] Voir le dossier d’Amnesty : « France : face aux violences policières dans les manifestations ».