Communiqué d'Attac du 11 décembre 2019
Après 2 ans et demi de concertations menées par Jean-Paul Delevoye, Edouard Philippe a « dévoilé », ce mercredi 11 décembre au CESE le projet de réforme des retraites du Gouvernement. Ces annonces ne changent ni l’horizon du gouvernement sur la réforme des retraites, ni ses conséquences pour les retraité·e·s actuel·le·s et futur·e·s. Décryptage.
Comme on pouvait s’y attendre, Emmanuel Macron et son gouvernement s’obstinent face à la colère et à la mobilisation de masse actuellement en cours. Pour briser la solidarité entre générations, Edouard Philippe n’hésite pas à avoir recours à l’argument le plus méprisable : ne vous inquiétez pas ces mesures ne vous frapperont pas ; elles ne toucheront que vos enfants.
Quelle meilleure preuve que la réforme est néfaste, qu’elle n’est pas favorable aux actifs !
Mais les personnes qui ne seront pas concernées par la réforme “à points” seront concernées par des nouvelles mesures de baisse, via l’instauration d’un âge “d’équilibre” à 64 ans dès 2027. Alors que E. Philippe affirme que le système “financera un haut niveau de solidarité”, ce qui nécessiterait un financement bien plus important qu’aujourd’hui compte tenu des inégalités actuelles à corriger, la part de solidarité sera simplement maintenue à son niveau actuel, au début de la mise en oeuvre. Comme elle sera sortie du système de retraite pour être financé par l’impôt, il y a fort à craindre que cette part soit rapidement rognée au nom des baisses de dépenses publiques.
Nouvel “âge d’équilibre” pour les plus de 47 ans (nés avant 1975), réforme à points pour les autres, tout le monde reste perdant !
Malgré les aménagements quant aux générations concernées par le système à points ou par des économies de court-terme, il n’y a pas d’évolution sur le plafonnement du financement des retraites à 14% du PIB... voire une baisse de cette part.
Les personnes qui ne seront pas concernées par le système à point seront fortement touchées par l’autre partie de la réforme : les économies à court terme, et notamment par un nouvel âge d’équilibre fixé à 64 ans en 2027. Toute personne qui partira avant cet âge subira une décote, quel que soit son nombre d’annuités. La nouvelle décote sera calculée en prenant le plus défavorable de deux critères pour chacun, entre durée de cotisation, et écart à cet âge d’équilibre. Une perte qui peut se chiffrer en centaines d’euro par mois. Et ce dès les prochaines générations.
Les générations nées après 1975 seront concernées par le nouveau système à point, calibré pour ajuster les pensions à la baisse à mesure que l’espérance de vie s’allonge. Ainsi, la réforme ne s’appliquera qu’aux personnes nées en 1975 et après, soit en 2037. D’ici là, dès 2022, les jeunes cotiseront au nouveau régime, ce qui veut dire que pendant 17 ans, les régimes existants vont être de plus en plus déficitaires, de plus en plus dans la main de l’État.
La conséquence de ces choix : une baisse des taux de remplacements brutale et plus forte que celle prévue par les précédentes réformes.
Des garanties en trompe l’œil :
- > L’indexation du point ne garantit pas le niveau des pensions
L’annonce de l’indexation de la valeur des points acquis sur les salaires se veut rassurante. Mais le niveau des pensions (niveau de la retraite par rapport au dernier salaire) n’est en aucun cas garanti. Ce qui importe n’est pas la valeur du point (qui n’est qu’un indice), mais le “taux de remplacement”, c’est à dire la part de pouvoir d’achat qu’on conserve lorsqu’on passe de l’emploi à la retraite. Et celui-ci va baisser, plus fortement qu’aujourd’hui. Ce que le gouvernement fait mine de garantir avec la valeur du point, il le reprend avec une décote variable.
- > Un minimum de pension à 1000€ (pour une carrière complète) pour les uns, la capitalisation pour les autres ?
Avec une baisse massive du niveau des pensions, une partie écrasante de la population française sera logée à la même enseigne : le nouveau « minimum de pension » à 1000€ (pour une carrière complète). Toutes les personnes n’atteignant pas l’âge pivot ou ayant une carrière incomplète auront beaucoup moins. C’est un des « alibis sociaux », les gagnants de la réforme : celles et ceux qui pourront prétendre au minimum après une vie de travail. Par ailleurs le gouvernement utilise les femmes comme alibi de la réforme en n’hésitant pas à les qualifier de “grandes gagnantes”, alors même que leurs droits et leur autonomie financière sont gravement menacés par de nombreuses dispositions (prise en compte de toute la carrière, pension de réversion dégradée, abandon des majorations de durée d’assurance pour les enfants). Pour les personnes pouvant se le permettre, il s’agira désormais de se tourner vers la capitalisation privée, grandement facilitée par le gouvernement et son Plan Epargne Retraite. Ce sont d’immenses opportunités pour les fonds de pensions, largement défiscalisés, et donc autant de manque à gagner pour les caisses de l’État.
En clair, ces annonces confortent le coeur de la réforme qui concerne tou·te·s les actif·ve·s du pays, soit la réduction du niveau des retraites dans notre système solidaire et un effet d’éviction vers les solutions de capitalisation privée. Dans le détail beaucoup de flou persiste sur la réelle prise en compte de la diversité des situations et des carrières. Les centaines de milliers de grévistes et de manifestant·e·s réuni·e·s depuis le début du mouvement semblent plus que jamais déterminé·e·s à continuer le mouvement, dès demain jeudi 12 décembre, et ce jusqu’au retrait définitif de son projet de réforme.
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