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Articles - Page 16

  • Contre le discours dominant sur la dette publique

    Le Monde du 13 janvier 2012, par Geneviève Azam, économiste, membre du conseil scientifique d'Attac ; Etienne Balibar, philosophe ; Thomas Coutrot, économiste, coprésident d'Attac ; Dominique Méda, sociologue ; Yves Sintomer, politologue.

    Il y a deux manières de raconter ce qui se passe en Europe. Selon le storytelling dominant, nous avons trop dépensé. Experts et éditorialistes devisent sur la France qui, comme les autres pays dépensiers, "vit depuis plus de trente ans à crédit". L'enjeu pour la gauche serait seulement de "donner du sens à la rigueur" en attendant de "relancer la croissance".

    Ce scénario semble aussi évident que l'air que nous respirons. Il est pourtant contraire aux principaux chiffres officiels, et une narration alternative apparaît mieux fondée. Ainsi selon le rapport sur "La dépense publique et son évolution", publié par Bercy, la part des dépenses publiques dans le PIB français est passée de 52,8 % dans les années 1990 à... 52,9 % dans les années 2000.

    Si les déficits et la dette ont flambé, ce n'est pas du fait d'une envolée des dépenses, mais à cause d'une réduction des recettes. Le manque à gagner annuel dû aux exonérations et baisses d'impôts consenties dans les années 2000 est chiffré par Gilles Carrez, député UMP et rapporteur du budget, à plus de 100 milliards d'euros. Et la crise financière a provoqué une chute brutale des recettes publiques déjà érodées par cette contre-révolution fiscale. Cette dette est celle de la finance et du néolibéralisme, pas des assurés sociaux ni des citoyens.

    Deux narrations aussi contradictoires de l'histoire de la dette publique déterminent deux réponses antagoniques. Selon l'histoire officielle, une cure sévère d'amaigrissement budgétaire s'impose, sans débat autre que sur les modalités, pour que la France restaure ses finances publiques et que ses entreprises redeviennent compétitives. Dans la narration alternative, à l'inverse, la clé de la situation réside dans une réforme fiscale redistributive, couplée à une cure amaigrissante et une mise sous tutelle... du secteur financier.

    En outre, la réforme fiscale, qui permet de réduire le déficit courant, n'épongera pas la dette : les intérêts versés en 2011 aux rentiers - ceux-là mêmes qui ont bénéficié des baisses d'impôts - se montent à 50 milliards d'euros, avant même la prochaine perte du triple A et de probables hausses des taux exigées par les marchés.

    Pour alléger ce fardeau, préserver les services publics et la protection sociale, et enclencher une transition écologique, le débat démocratique devra déterminer si une part de cette dette est illégitime, c'est-à-dire contractée au nom d'arguments infondés et au bénéfice d'intérêts particuliers et, le cas échéant, décider un défaut sur cette partie de la dette. Les Etats devront à l'avenir se financer ailleurs qu'auprès des seuls marchés financiers, comme ils le faisaient jusqu'au début des années 1980 : faute de quoi ils ne pourront plus prétendre à aucune souveraineté.

    Ils devront également prendre acte que cette crise est aussi celle d'un modèle de croissance insoutenable, et réorienter les investissements publics vers des programmes écologiquement plus sobres et plus riches en emplois, au lieu de grands projets productivistes, coûteux et obsolètes.

    Mais si la narration critique a pour elle la vraisemblance du diagnostic, elle se heurte aux "évidences" martelées, et la nécessaire radicalité des réponses qu'elle appelle peut inquiéter. C'est pourquoi un appel pour un "audit citoyen de la dette publique" a été lancé mi-octobre 2011 par des personnalités et nombre d'organisations syndicales, associatives et politiques, rejoints depuis par plus de 50 000 citoyens (Audit-citoyen.org).

    Des collectifs locaux se créent dans de nombreuses localités pour proposer aux citoyens de s'emparer de ce débat. Ces initiatives n'ont pas encore intéressé les médias, mais veulent susciter dans les profondeurs de la société un débat de la même intensité que celui qui a précédé le référendum sur le traité constitutionnel européen en 2005.

    Car les questions alors débattues se posent avec une tout autre acuité, à l'heure où le tsunami de l'austérité arrive d'Europe méridionale. Les réformes institutionnelles adoptées depuis un an, et parachevées par le "traité intergouvernemental à Vingt-Six" décidé au sommet européen de décembre, ne font que radicaliser une logique de répression budgétaire et de soumission aux marchés financiers, dont la crise manifeste pourtant l'échec patent. Alors que le navire de Maastricht s'est déchiré sur les récifs de la crise financière, les capitaines s'épuisent à coller des rustines sur les débris qui flottent.

    Une idée a servi de clé de voûte à l'architecture européenne depuis Maastricht : les marchés sont plus intelligents que les gouvernements et les électeurs. Concurrence fiscale et sociale au sein d'un marché libre et non faussé ; réduction des recettes publiques pour augmenter la compétitivité ; obligation faite aux Etats, en cas de déficits, de se financer sur les marchés ; interdiction faite aux Etats de s'entraider financièrement... : la zone euro a été conçue pour éliminer les politiques économiques volontaristes et placer les Etats sous le pilotage automatique des marchés. La tentative désespérée de sauver cette architecture aux principes obsolètes ne peut qu'échouer, fût-ce avec des eurobonds (des titres communs pour mutualiser la dette des pays de la zone euro) qui resteront soumis au jugement et donc aux critères de "bonne gestion" des marchés.

    L'échec programmé de ce sauvetage peut déboucher dans les années à venir sur un éclatement de l'euro et un déferlement des courants nationalistes, autoritaires et xénophobes qui travaillent les sociétés européennes. Mais le pire n'est pas certain. Les aspirations démocratiques, elles aussi, sont très vivaces en Europe, notamment dans la jeunesse, comme le montre l'essor des mouvements "indignés" dans les pays du Sud, jusqu'ici les plus touchés par la crise sociale et démocratique.

    La nomination d'anciens dirigeants de Goldman Sachs comme chefs de gouvernement en Grèce et en Italie, ministre des finances en Espagne ou président de la Banque centrale européenne, ne passe pas. Pas plus que les cris d'orfraie devant l'éventualité d'un référendum, en Grèce ou ailleurs. Les citoyens ne veulent plus être "des jouets dans les mains des banques et des politiciens", comme disent les "indignés" espagnols. Ils veulent pouvoir peser sur leur avenir, faire des projets pour leurs enfants, stopper les dégradations sociales et écologiques qui les indignent.

    Face à la surdité des élites, une insurrection démocratique est nécessaire en Europe comme d'ailleurs aux Etats-Unis, dans le monde arabe, en Russie... Il s'agit de refonder la démocratie dans le champ politique, par un recours intense aux mécanismes de la démocratie directe (initiatives citoyennes, référendums révocatoires...) et de la démocratie délibérative (conférences citoyennes, deuxième Chambre tirée au sort...).

    Il s'agit aussi de l'élargir au champ économique, à commencer par le système bancaire, dont le sauvetage imminent par les deniers publics doit être l'occasion de le placer sous le contrôle non pas des fonctionnaires de Bercy ou de Bruxelles, mais de la société civile. L'horizon semble bouché par leur dette : dégageons-le en réinventant notre démocratie.

  • Taxe Tobin : l'initiative politicienne de Nicolas Sarkozy

    Taxer les transactions financières, Jean-Marie Harribey, ancien président d'Attac, est pour depuis des années. Il ne se réjouit pas pour autant que le président français défende subitement cette mesure. (http://leplus.nouvelobs.com/contribution/229620-taxe-tobin-l-initiative-politicienne-de-nicolas-sarkozy.html)

    Que Nicolas Sarkozy propose aujourd'hui l'instauration de la taxe Tobin marque son incompréhension totale de la crise que nous traversons depuis quatre ans et demi, ainsi que l'impasse dans laquelle il se trouve concernant les solutions à mettre en œuvre.

    Que les choses soient claires : Attac est favorable depuis 13 ans à l'instauration d'une taxe sur les transactions financières. Ce n'est pas maintenant que nous allons lâcher. Mais cette mesure doit s'inscrire dans un champ plus vaste et ne pas se limiter à une annonce politicienne comme celle que Nicolas Sarkozy nous présente.

    Une initiative politicienne

    Nous assistons à une volte-face sidérante du gouvernement sur la question de la taxation des transactions financières. Jamais un tel changement de position ne s'est opéré en si peu de temps. Il y a deux mois encore, la taxe Tobin était inefficace et impossible à mettre en place. Ce n'était pas franchement une nouveauté : depuis 10 ans, les gouvernements de droite mais également de gauche n'ont pas voulu de cette mesure - souvenons-nous du rapport remis à Dominique Strauss-Kahn en 1999, alors qu'il était ministre de l'Economie et des Finances, qui déglinguait complètement la taxe Tobin. Aujourd'hui, Nicolas Sarkozy la défend comme si de rien n'était.

    Pourquoi une telle volte-face ? La raison est bien évidement politicienne, nul ne peut en douter à quatre mois de l'élection présidentielle et à cinq des législatives.

    Le bilan de Nicolas Sarkozy est exécrable : il a échoué sur tout (le pouvoir d'achat, l'emploi, la régulation de la finance, la taxe carbone, etc), excepté pour faire des cadeaux aux plus riches. Il lui faut donc occuper le terrain et comme il est malin, il a choisi une mesure qui recueille un écho relativement favorable dans l'opinion publique, compte tenu de la crise. Voilà pourquoi il opère ce revirement à 180 degrés, prenant de surcroît l'initiative d'agir seul au niveau européen.

    Mais il ne faut pas se leurrer. Même si François Fillon présentait en février un projet de loi sur une taxation des transactions financières, il semble qu'elle ne porterait que sur les actions et non sur toutes les transactions financières, et elle ne pourrait être mise en œuvre avant la fin du mandat de Nicolas Sarkozy. C'est donc le président suivant qui en hériterait.


    Taxer oui, mais pas dans n'importe quel cadre

    L'idée d'une taxe Tobin fait son chemin. Depuis mars 2010, le Parlement européen a acté à trois reprises le principe d'une taxe sur les transactions financières. L'été dernier, la Commission européenne s'est elle aussi déclarée favorable à une telle mesure, à l'horizon 2014. En France, le Sénat a adopté, depuis qu'il est majoritairement à gauche, le projet d'une taxe de 0,05% visant l'ensemble des transactions à compter du 1er juillet 2012. Les choses restent néanmoins en suspens tant que l'Assemblée nationale est à droite.

    Mais il faut bien comprendre qu'Attac défend la taxe Tobin dans le cadre de mesures plus vastes, qui permettraient la mise au pas et le contrôle démocratique des activités bancaires, à savoir 

    -    Le contrôle de la banque centrale et la socialisation des banques.
    -    La séparation entre les banques de dépôts, qui financent l'économie, et les banques d'affaires, qui servent à la spéculation.
    -    La mise au ban des paradis fiscaux, notamment via l'interdiction des filiales de banques dans ces paradis

    C'est toujours dans cette même veine que nous menons campagne en ce moment - aux côtés d'autres associations, de syndicats et de certains partis politiques - pour réaliser un audit citoyen sur notre dette publique. Il s'agit de déterminer quelle part de cette dette - 1600 milliards d'euros au total ! - est illégitime, c'est-à-dire due aux allégements fiscaux et aux sauvetages en catastrophe des banques et non aux dépenses publiques.

  • Taxe Tobin : Attac et Nicolas Sarkozy, même combat ?

    Tel est le titre de ce "chat" organisé par le journal Le Monde avec le co-président d'Attac Thomas Coutrot, lundi 9 janvier. L'intégralité de l'échange avec les lecteurs du Monde sur le site : http://www.lemonde.fr/politique/chat/2012/01/09/taxe-tobin-attac-et-nicolas-sarkozy-meme-combat_1627266_823448.html  

    Que pensez-vous du projet de taxe sur la transaction financière (TTF) telle que Nicolas Sarkozy semble vouloir la proposer ?

    Thomas Coutrot : Ce projet semble se résumer au rétablissement de l'impôt de Bourse que le même Nicolas Sarkozy a supprimé au début de l'année 2008, quelques mois après son élection. Cette taxe frappait les transactions sur les actions à la Bourse de Paris à hauteur de 0,3 %. Elle a été supprimée soi-disant pour renforcer l'attractivité de la place de Paris.

    La taxe Tobin, elle, s'appliquerait à l'ensemble des transactions financières, et pas seulement aux transactions sur les actions. Elle toucherait en particulier les transactions sur les devises, sur les marchés des changes, et sur les produits dérivés.

    C'est à cette condition qu'elle pourrait avoir un impact régulateur et diminuer vraiment le volume de la spéculation.
    C'est un peu comme le bouclier fiscal : c'était une bonne chose de le supprimer, ce serait une bonne chose de rétablir l'impôt de Bourse, mais ça n'a rien à voir avec une taxe Tobin.
     
    (…)
  • Taxe Tobin en Europe : une avancée qui vient trop tard

    Le président de la Commission européenne, M. Barroso, va proposer au Conseil européen un projet de directive sur la taxation des transactions financières. Il y a dix ans nous aurions crié victoire. Mais aujourd'hui c'est trop peu, trop tard.

    Que tous les responsables politiques européens reprennent une proposition que nous portons depuis douze ans représente une victoire des idées d'Attac. Les modalités proposées par la Commission rejoignent sur plusieurs points nos propositions : un taux de 0,1 %, appliqué à toutes les transactions impliquant des opérateurs financiers européens, aurait indiscutablement un effet régulateur important en dissuadant les opérations les plus spéculatives, notamment le "trading à haute fréquence". La prise en compte des transactions sur les produits dérivés, à leur valeur nominale, serait également une avancée importante, même si on peut regretter que le taux proposé ne soit alors que de 0,01 %. L'ampleur de la proposition est malheureusement limitée par l'exclusion de la taxation des transactions sur le marché des changes (entre l'euro et d'autres devises ) car ce marché pèse 4 000 milliards de dollars par jour, soit près de la moitié des transactions financières dans le monde.

    Des interrogations majeures subsistent sur l'utilisation des fonds récoltés. Si le produit n'est utilisé que pour combler les déficits et renflouer une nouvelle fois les banques sans contrepartie, l'efficacité sera nulle. Les dizaines de milliards d'euros que la taxe pourrait rapporter doivent alimenter des fonds européens et mondiaux pour financer la lutte contre la pauvreté en Europe et ailleurs, contre les épidémies et le réchauffement climatique, et pour amorcer la transition écologique.

    Nous ne sommes pas dupes : les dirigeants européens ne se sont résolus à nous donne raison que pour mieux justifier auprès des opinions publiques le passage du rouleau compresseur de l'austérité, avec son lot de politiques injustes. Une offensive d'une virulence inédite se déroule en ce moment en Europe contre l'Etat social alors que les dettes publiques et la crise de l'euro, loin de résulter d'un excès de dépenses, proviennent de la crise financière et des cadeaux fiscaux consentis depuis vingt ans aux privilégiés. La taxe sur les transactions financières ne suffira aucunement à redistribuer les richesses à la hauteur des nécessités actuelles. Il n'est pas non plus anodin qu'elle soit annoncée au moment où se profile une recapitalisation des banques européennes par les fonds publics : il s'agit d'éviter une révolte contre ce nouveau sauvetage des banques, en donnant l'impression que la finance est elle aussi mise à contribution.

    Cette taxe – et seulement en 2014 – c'est trop peu, trop tard. Trop peu car le désarmement des marchés financiers, nous l'avons toujours dit, ne peut se limiter à une taxe : il faut aussi des réglementations énergiques (démantèlement des banques "trop grosses pour faire faillite", contrôle de flux des capitaux, interdictions des transactions de gré à gré, stricte limitation des marchés de produits dérivés, surtout sur les marchés de produits alimentaires…). Trop tard, car la crise financière provoquée par trente années de laxisme prend aujourd'hui des dimensions dramatiques.

    Des solutions radicales deviennent désormais incontournables, comme la socialisation du secteur bancaire et sa mise sous contrôle de la société ; l'audit des dettes publiques et la répudiation de leur part illégitime ; la réforme de la Banque centrale européenne pour qu'elle puisse financer directement les Etats… Nous avions raison sur la taxe Tobin ; souhaitons qu'il ne faille pas encore dix ans et une crise cataclysmique pour que nos propositions actuelles soient elles aussi prises au sérieux.

    Publié dans Le Monde du 06 janvier 2012

  • TVA sociale : Taxe sur la Vache Augmentée…

    Sur son blog, (hébergé par Alternatives Economiques) cet article de Jean-Marie Harribey (qui sera à Poitiers en mars prochain !) : http://alternatives-economiques.fr/blogs/harribey/2012/01/05/tva-sociale-taxe-sur-la-vache-augmentee/

    L’année 2012 commence aussi mal que 2011 s’était terminée. La crise s’étend, le chômage s’envole et la politique d’austérité aggrave encore les choses. Le gouvernement, jamais avare de cynisme, ne cesse de vomir la réduction du temps de travail mais prône le chômage à temps partiel. Comme tout cela frise l’indécence et la vacuité, Monsieur Sarkozy et Madame Parisot tentent un dernier coup avec la TVA dite sociale et renommée taxe anti-délocalisations. Au motif qu’il faudrait rendre les entreprises françaises plus compétitives à l’extérieur et faire payer une partie de notre protection sociale par les importations. Cette proposition est une énorme tromperie : tout concourt à leurrer les travailleurs dont l’emploi est menacé et les citoyens soumis à une fiscalité de plus en plus injuste.