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Articles - Page 18

  • Sortir les États de la servitude volontaire

    Logo Attac.jpgLe mois d’octobre a vu la crise de la zone euro s’aggraver considérablement et les agences de notations s’en donner à coeur joie : dégradation de la note de l’Espagne et de l’Italie, menace sur la Belgique, « mise sous surveillance » de la France qui est ainsi menacée de perdre son triple A. Tout a déjà été dit sur le rôle des agences de notation. Aveugles lors des crises financières qu’elles ont été incapables d’anticiper, donnant la note maximale à la banque Lehman Brothers à la veille de son effondrement, certifiant l’innocuité des produits financiers hautement toxiques, baignant en permanence dans le conflit d’intérêt, leurs déclarations devraient susciter l’hilarité générale. Pourtant, gouvernements et institutions européennes, tout en les dénonçant et en promettant de les mater, persistent à se prosterner devant elles.

    C’est que les agences de notations, aussi discréditées soient-elles, jouent un rôle indispensable au fonctionnement des marchés financiers. Le problème n’est pas de savoir si elles ont raison ou tort ou si leurs jugements sont basés sur une analyse objective de la situation. Il vient du comportement même des acteurs de la finance qui ont besoin d’une autorité extérieure pour orienter leurs décisions grégaires. Les agences de notation ne jouent pas le rôle de thermomètre, mais d’un virus qui fait monter la fièvre de la cupidité, laquelle pousse à la formation de bulles dans les moments d’euphorie boursière, et qui déchaîne une panique incontrôlée dans les moments de doute. Le problème, ce ne sont pas les agences de notation, mais les marchés financiers. Il est donc criminel d’avoir mis les dettes publiques dans leurs mains.

    Car, il faut y insister, ce sont les gouvernements qui ont fait ce choix, ce sont eux qui ont permis aux marchés de développer leur capacité de nuisance. En France, une réforme de la Banque de France, votée en 1973 sous l’impulsion de Valéry Giscard d’Estaing, ministre des finances de Georges Pompidou, interdit au Trésor public d’emprunter directement à la Banque de France à des taux d’intérêt nuls ou très faibles. La Banque de France ne peut donc plus financer par de la création monétaire les déficits publics. Le gouvernement français est dès lors obligé de faire appel aux marchés financiers, c’est-à-dire à des banques privées, et ce, aux taux d’intérêt de marché. Il s’agit d’un acte fondateur, et destructeur, car il inaugure la mainmise des marchés financiers sur les États. Cette disposition allait être intégralement reprise lors de la création de la Banque centrale européenne (BCE), puis dans tous les traités européens. On a donc abouti à une situation hallucinante. Les États ne peuvent pas être financés par la BCE ; mais celle-ci peut par contre refinancer les banques privées à de très faibles taux. Ces dernières prêtent ensuite aux États à des taux nettement supérieurs, voire carrément usuraires. L’Union européenne se place volontairement sous l’emprise des marchés financiers.

    Cette emprise allait être d’autant plus grande qu’une contre-révolution fiscale s’est déployée depuis plus d’un quart de siècle. Son fil directeur a été de baisser par de multiples moyens les impôts payés par les ménages les plus riches et par les entreprises, en particulier les plus grandes. L’impôt sur le revenu est devenu de moins en moins progressif avec la diminution du nombre de tranches et les baisses successives du taux marginal supérieur. L’impôt sur les sociétés, véritable peau de chagrin, pèse trois fois plus lourd sur les PME que sur le CAC 40. Résultat imparable, l’État s’est appauvri : ses recettes représentaient 15,1 % du PIB en 2009 contre 22,5 % en 1982. On trouve là une des raisons de l’accroissement régulier de la dette publique avant même la crise financière. Car contrairement à une antienne dont on nous rebat les oreilles, ce n’est pas l’explosion des dépenses publiques qui a creusé les déficits. Avant la crise, elles avaient même tendance à baisser : 55 % du PIB en 1993, 52 % en 2007. La crise, dont il faut rappeler qu’elle trouve son origine dans les délires de la finance, a évidemment gonflé la dette. Baisse des recettes fiscales dues à la récession, plan de relance pour éviter la dépression, et enfin sauvetage des banques, se sont combinés pour arriver à ce résultat.

    Alors que faire maintenant pour empêcher les prophéties autoréalisatrices des marchés de se réaliser ? Tout d’abord, il faut acter que les plans d’austérité, au-delà même de leur caractère socialement inacceptable, sont inutiles. Et c’est tout le paradoxe de la situation. Les marchés veulent que les déficits publics soient réduits pour être sûrs que les États puissent payer la charge de la dette, mais ils s’inquiètent du fait que les mesures prises vitrifient l’activité économique. Face à ces injonctions contradictoires, il ne sert à rien de vouloir rassurer les marchés, puisque plus on les rassure, plus ils s’inquiètent. La seule solution est de sortir les États de leur emprise.

    Il faut pour cela tout d’abord européaniser et monétiser les dettes publiques. La BCE et les banques centrales nationales doivent pouvoir, sous contrôle démocratique, financer les États et les politiques publiques européennes. Concernant le stock de la dette existant, un audit citoyen doit pouvoir déterminer la part de la dette qui est illégitime, et donc doit être annulée, et celle qu’il faudra rembourser, la BCE pouvant dans ce cas la racheter. Les banques doivent être mises sous contrôle social afin qu’elles se tournent vers les financements de l’activité productive et la transformation écologique de la société. Enfin, il faut enfin une réforme fiscale d’ampleur qui redonne des marges de manoeuvres à l’action publique. Ces orientations supposent de rompre avec tout ce qui a fait l’orthodoxie néolibérale de ces dernières décennies. Les mouvements sociaux qui commencent à secouer l’Europe devront l’imposer.

    Thomas Coutrot, coprésident d’Attac et Pierre Khalfa, coprésident de la Fondation CopernicTribune parue dans Libération Jeudi 3 Novembre 2011

     

  • Bactéries synthétiques pour fabriquer des protéines

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    Article d'Eric MEUNIER, Inf’Ogm, octobre 2011

    Une bactérie disposant d’un code génétique en partie synthétique a été mise au point par une équipe internationale de chercheurs. Cette bactérie possède un génome dont un des quatre éléments de base est un composant de synthèse. L’ADN normal se compose en effet de quatre bases : l’Adénine, la Guanine, la Cytosine et la Thymine. Les chercheurs ont travaillé avec la bactérie Escherichia coli K12 qui exige que lui soit fournie de la thymine car elle est incapable de la synthétiser elle-même. Après une mise en culture de cette bactérie dans des milieux contenant de la thymine en quantité décroissante et un substitut de synthèse (chloro-uracile) en quantité croissante, les chercheurs ont fini par sélectionner des bactéries Escherichia coli K12 capables d’utiliser le chloro-uracile à la place de la thymine. A noter que les chercheurs ont également enregistré la présence de « nombreuses mutations » dont le rôle dans cette adaptation reste à établir [1].

    Les scientifiques travaillant sur ce projet sont issus de l’Institut de Biologie de Berlin, du Commissariat à l’Energie Atomique (IG/Genoscope – Évry), du CNRS, de l’Université d’Évry, de l’Université Catholique de Leuven (Belgique) et de l’entreprise états-unienne Heurisko. Selon Philippe Marlière, Président d’Heurisko, « ces travaux constituent une avancée importante de la xénobiologie, une branche émergente de la biologie synthétique [qui vise à concevoir des organismes « non naturels dotés de capacités métaboliques optimisées pour l’élaboration de modes alternatifs de synthèse »] ». L’idée des scientifiques est de mettre au point des organismes permettant de synthétiser des produits chimiques en quantités industrielles. Et pour déjà parer aux problèmes que de tels organismes pourraient poser en cas de dissémination dans la nature, les chercheurs ont retenu l’option de les rendre dépendant de composants n’existant pas à l’état naturel. Ainsi, cette bactérie Escherichia coli K12 ne pourrait subsister dans la nature puisqu’elle n’y trouverait pas de chloro-uracile. Philippe Marlière précise d’ailleurs que l’approche adoptée est le meilleur moyen de mettre en œuvre le « principe de précaution dans les biotechnologies sans ralentir le progrès industriel », précisant que « ça n’est pas forcément vrai que c’est dangereux » [2]. Mais, nous permettrons-nous de rajouter, pas forcément faux non plus...
    Le présent travail s’inscrit dans ce qui est couramment appelé biologie de synthèse (bio-briques, cellules synthétiques, cellules minimales...). Les scientifiques adoptent l’approche qui est de travailler en fonction d’un lien direct et instantané entre recherche et débouchés commerciaux. Ce qui les amène à limiter leur capacité d’interrogation quant aux risques potentiels associés à leurs travaux. L’affirmation que pour une telle bactérie utilisant une base de synthèse, « ce n’est pas forcément vrai que c’est dangereux » illustre le paradigme technoscientifique dans lequel les chercheurs évoluent.

    [1http://www.genoscope.fr/spip/28-jui.... L’article est paru dans une revue allemande : « Chemical Evolution of a Bacterium’s Genome » Marlière P. et al., Angewandte Chemie, Volume 123, Issue 31, pages 7247–7252, July 25, 2011

    [2]  http://m.futura-sciences.com/2071/s...

  • Retraites, la capitulation annoncée ?

    Sur le site de Médiapart, cet article de Pierre Khalfa, de Solidaires et du CA d'Attac : http://blogs.mediapart.fr/blog/pierre-khalfa/181011/retraites-la-capitulation-annoncee

    L'avenir des retraites risque d'être un des enjeux de la prochaine élection présidentielle. Le très probable candidat Nicolas Sarkozy assumera sans problème la contre-réforme de 2010 qui, faisant suite à celle de 2003, reculait l'âge légal de départ à la retraite (passage de 60 à 62 ans) et l'âge de la retraite à taux plein (passage de 65 à 67 ans), la durée de cotisation (41,5 annuités aujourd'hui) continuant à augmenter au rythme de l'espérance de vie. Le PS ne peut évidemment défendre officiellement une telle position. L'énorme mobilisation de 2010 est encore dans toutes les mémoires. Elle empêche un ralliement pur et simple aux positions de la droite. Mais loin de revenir sur les contre-réformes de ces dernières années, le programme officiel du PS prévoit simplement une possibilité de partir à 60 ans pour celles et ceux qui auraient à cet âge 41,5 annuités de cotisation, c'est-à-dire qui auraient travaillé sans interruption depuis l'âge de 18 ans et demi, autant dire, une infime minorité.

    Au-delà de cet aspect, les positions du PS et de la droite sont très similaires car ils défendent la même logique basée sur une affirmation apparemment de bon sens: «puisque l'on vit plus longtemps, il faut travailler plus longtemps». De plus, alors même que, dans cette perspective, la durée de cotisation va continuer à augmenter, certains, comme le député socialiste Pascal Terrasse, se prononcent pour porter l'âge légal à 65 ans. Disons le nettement, faire travailler les salarié-es plus longtemps est inacceptable, et ce pour trois raisons.

    Tout d'abord, l'accroissement de l'espérance de vie à la naissance ne date pas d'aujourd'hui. C'est un phénomène ancien qui commence à la fin du 18e siècle. Elle était de 45 ans en moyenne en 1900: à comparer, un siècle plus tard, aux 82,8 ans pour les femmes et aux 75,4 ans pour les hommes. Or dans la même période, le temps de travail annuel individuel a été divisé par deux pendant que le nombre d'emplois augmentait de trois quarts. Cela a été permis par un accroissement de la productivité horaire supérieur à celui de la richesse produite. Ainsi durant la même période, la productivité horaire a été multipliée environ par 30, la production par 26 et l'emploi total par 1,75. L'«espérance apparente de vie professionnelle» qui fournit une estimation du nombre d'années travaillées a baissé, pour les hommes, de 20 ans entre 1930 et 2000. La conclusion de ces chiffres est sans ambiguïté: le partage de la richesse produite peut permettre que l'accroissement de l'espérance de vie s'accompagne d'une diminution du temps passé au travail. C'est ce que l'on appelle le progrès social.

    La deuxième raison renvoie à l'espérance de vie en bonne santé, c'est-à-dire sans incapacité majeure. Une étude de l'Ined datant de 2008 indique que «à 60 ans, un homme peut espérer vivre encore 21 années, mais seulement la moitié sans aucune des incapacités considérées dans l'étude». Augmenter la durée de cotisation et/ou l'âge de départ en retraite signifie que les meilleures années de la retraite, celles où l'on est en relative bonne santé, seraient donc transformées en années de travail. Alors même que les conditions de travail continuent de se détériorer avec une montée générale du stress et l'apparition de nouvelles pathologies, un grand acquis social de ces dernières décennies serait ainsi remis en cause. Les années de retraite cesseraient d'être un moment de liberté pour des activités choisies. Car les retraité-es sont aujourd'hui de moins en moins inactifs même s'ils sont traités comme tels dans les calculs économiques. Ils sont de plus en plus investis dans des activités socialement utiles. Ils produisent donc de la richesse, peut-être pas une richesse toujours quantifiable monétairement, mais oh combien nécessaire à la société. Vouloir faire travailler les salariés plus longtemps reviendrait à remettre en cause ce nouveau rôle social des retraités.

    La troisième raison renvoie à l'hypocrisie fondamentale de cette orientation, car la retraite par répartition repose sur un double contrat implicite. Le travail fourni par la génération qui part à la retraite bénéficie à la génération suivante et cette dernière prend en charge les retraités. Ainsi chaque génération monte sur les épaules de la précédente et la création de richesse est partagée entre actifs et retraités. La solidarité intergénérationnelle a donc deux faces. Si les actifs paient les pensions des retraités, en contrepartie, les salariés âgés laissent leur place sur le marché du travail aux nouvelles générations. Cette exigence est d'autant plus forte que le chômage de masse perdure et que l'activité économique est atone. Décaler l'âge de départ à la retraite en voulant faite travailler les salariés plus longtemps revient à préférer entretenir le chômage des jeunes plutôt que de payer des retraites. Analyse confirmée par l'Insee qui note dans son Enquête emploi du troisième trimestre 2010 que, malgré la crise, l'emploi chez les 55-64 ans a progressé (+3 points) alors même qu'il reculait chez les 15-24 ans (-2 points).

    Mais que se passerait-il si le comportement des entreprises restait ce qu'il a été ces dernières décennies et que celles-ci continuent de se débarrasser majoritairement de leurs salariés avant 60 ans? Dans ce cas, il sera de plus en plus difficile de réunir les annuités requises pour avoir une pension à taux plein. Les jeunes entrent de plus en plus tard dans la vie active et de nombreux salariés, dont une majorité de femmes, ont des carrières discontinues et n'arrivent déjà pas à réunir le nombre d'annuités demandé. L'augmentation de la durée de cotisation et le report de l'âge légal de départ à la retraite auront donc des conséquences importantes lors de la liquidation de la retraite et se traduiront donc alors en pratique par une pension réduite pour le plus grand nombre.

    Or le paradoxe, c'est que les besoins de financement des retraites ne sont pas faramineux. En effet, le huitième rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR) d'avril 2010 indique d'abord que l'accroissement rapide du déficit de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) est dû essentiellement à la crise et que «la plus grande partie de la dégradation aurait eu lieu en 2009 et 2010 (...) A plus long terme, les effets directs de la crise s'estompent». Plus même, le COR montre que la dégradation du niveau des pensions et le durcissement des conditions de départ à la retraite ne sont pas inévitables à condition d'accepter que l'augmentation du nombre de retraités s'accompagne d'une augmentation correspondante des cotisations sociales. Ainsi quel que soit le scénario envisagé par le COR en matière de taux de chômage et de productivité, il serait possible de maintenir le taux de remplacement moyen (niveau de la pension par rapport au salaire) qui est aujourd'hui de 72 %. Si l'on prend le scénario du COR le plus défavorable, il faudrait trois points de PIB supplémentaires à l'horizon 2050. Cela correspond à une augmentation de 10,4 points de cotisations, lissée sur quarante ans, soit 0,26 point par an. Personne ne peut sérieusement affirmer qu'une telle augmentation mettrait en danger l'économie française. Le catastrophisme n'est donc pas de mise même si on peut regretter que ces projections entérinent les allongements de durée de cotisation issus des réformes précédentes.

    Au-delà même du financement des retraites, dont on voit qu'il trouve des solutions à condition de ne pas considérer le partage actuel de la richesse produite comme intangible, le débat sur les retraites renvoie à un débat de société fondamental. Faut-il, comme l'affirment la droite et le patronat, «travailler plus» ou faut-il travailler moins  Travailler moins pour partager le travail entre toutes et tous afin de lutter contre le chômage et la précarité. Travailler moins pour ne pas perdre sa vie à la gagner et avoir ainsi du temps pour soi et pour les autres. Travailler moins pour permettre à chacun, homme ou femme, de s'investir dans le partage équitable des taches domestiques et parentales, condition pour réaliser l'égalité entre hommes et femmes. A vouloir oublier ces aspects essentiels, le PS s'apprête à capituler en rase campagne face à l'offensive de la droite et du patronat.

  • Monsanto poursuivi pour "biopiraterie" par l'Inde

    L'Autorité indienne de la biodiversité a annoncé, le 11 août, qu'elle allait engager des poursuites judiciaires à l'encontre du semencier américain Monsanto pour avoir mis au point une aubergine génétiquement modifiée à partir de variétés locales sans en avoir demandé l'autorisation.

    C'est la première fois, en Inde, qu'une entreprise va être poursuivie pour acte de "biopiraterie", une infraction passible de trois années d'emprisonnement.
    Monsanto, son partenaire indien Mahyco et plusieurs universités indiennes s'étaient associés en 2005 pour mener les recherches, avec l'appui de l'agence américaine de développement Usaid, favorable aux organismes génétiquement modifiés (OGM).

    MORATOIRE RECONDUIT EN 2011

    Une dizaine de variétés existant dans les régions du Karnataka et du Tamil Nadu, parmi les 2 500 que compte le pays, avaient été utilisées pour mettre au point cette première aubergine génétiquement modifiée, destinée à être commercialisée en Inde.

    Or, contrairement à ce qu'exige la loi sur la biodiversité votée en 2002, aucune autorisation n'avait été demandée pour utiliser des variétés locales. Les agriculteurs auraient dû notamment être consultés afin de négocier une éventuelle participation aux bénéfices tirés de l'exploitation commerciale de l'aubergine. "Monsanto était parfaitement au courant de la législation et l'a volontairement ignorée", estime Leo Saldanha, directeur de l'organisation de défense de l'environnement Environment Support Group, qui a saisi l'Autorité indienne de la biodiversité de ce cas de biopiraterie.

    Contacté par Le Monde, Monsanto s'est refusé à tout commentaire. D'après l'hebdomadaire India Today, le semencier rejetterait toute responsabilité, tout en accusant ses partenaires indiens de ne pas avoir demandé les autorisations nécessaires. Mahyco, dont Monsanto est actionnaire à hauteur de 26 %, a indiqué qu'il s'était contenté de fournir le gène de transformation. L'accusation de biopiraterie est un nouveau coup dur pour Monsanto, et risque de freiner le développement de ses activités en Inde.

    Le moratoire décrété en février 2010, par le ministre indien de l'environnement, sur la commercialisation des aubergines génétiquement modifiées a été reconduit cette année. Et sa levée ne semble pas à l'ordre du jour. A l'époque, le Comité de consultation de génie génétique avait pourtant émis un avis favorable à la commercialisation de l'aubergine.

    Les opposants aux OGM espèrent que Monsanto ne sera pas autorisé à mener des recherches sur les oignons génétiquement modifiés, comme l'entreprise en a fait la demande au mois de juin.

    L'Inde, qui abrite 7,8 % des espèces animales et végétales de la planète sur seulement 2,5 % des terres émergées, est très exposée aux risques de biopiraterie. Le sujet y est particulièrement sensible depuis qu'en 1997, des paysans du nord du pays avaient violemment protesté contre le brevetage, par le semencier américain RiceTec, d'une variété de riz basmati appelée "kasmati".

    VICTOIRE DES OPPOSANTS AUX OGM

    Afin de disposer de tous les éléments nécessaires, le gouvernement a démarré un projet pharaonique de recensement du savoir-faire en matière de médecine traditionnelle : 200 000 traitements – y compris les postures de yoga – ont déjà été répertoriés. Des centaines de scientifiques épluchent les traités anciens de médecine ayurvédique pour y recenser les vertus déjà éprouvées de fruits ou de plantes médicinales.

    Cette "bibliothèque numérique du savoir traditionnel", qui compte 30 millions de pages et a été traduite en cinq langues, a déjà permis d'annuler de nombreux brevets. Celui déposé par une université américaine sur le curcuma pour ses vertus dans la lutte contre le cancer a été annulé à la suite d'une plainte du gouvernement indien. Et la demande de brevet déposée en 2007 par le laboratoire pharmaceutique chinois Livzon, auprès de l'Union européenne, sur la menthe et l'Andrographis (échinacée d'Inde), utilisées notamment comme traitement contre la grippe aviaire, a été rejetée.

    Mais aucune de ces organisations n'avait été poursuivie en justice. "Il aura fallu six ans à l'Autorité nationale de biodiversité pour engager les poursuites", regrette Leo Saldanha. Après avoir enquêté sur une éventuelle infraction commise par Monsanto et ses partenaires, l'Environment Support Group avait donné l'alerte en février 2010. "Il faut que l'Autorité nationale accélère et multiplie les enquêtes pour lutter contre les cas de biopiraterie", insiste le directeur de l'organisation non gouvernementale.

    Cette action en justice contre Monsanto constitue une victoire pour les opposants aux OGM. Seule la culture du coton génétiquement modifié est actuellement autorisée en Inde. Elle a propulsé le pays au rang de deuxième producteur mondial, devant les Etats-Unis. Mais ces nouvelles semences, coûteuses, sont accusées de ruiner les producteurs les plus fragiles.

    L'aubergine, très présente dans l'alimentation quotidienne partout dans le pays, est aussi utilisée comme offrande religieuse. Dans le temple d'Udupi, dans le sud de l'Inde, les fidèles du dieu Krishna s'étaient ainsi violemment opposés à la commercialisation de l'aubergine génétiquement modifiée. Ils craignaient de susciter la colère de leur divinité en lui offrant des légumes "impurs".

    Julien Bouissou, Le Monde du 18 août 2011

  • Une taxe sur la finance pour faire passer la pilule de l'austérité

    2915011424.pngAngela Merkel et Nicolas Sarkozy ont annoncé « une proposition commune de taxe sur les transactions financières afin de contribuer à la réflexion engagée par la Commission européenne ». Que tous les responsables politiques reprennent une proposition que nous portons depuis 12 ans est une victoire des idées d'Attac. Mais depuis deux ans les effets d'annonce se sont multipliés sans déboucher sur autre chose que des « propositions » et des « réflexions ». Cette taxe doit être appliquée le plus vite possible, avec tous les pays volontaires, sans attendre une hypothétique acceptation de tous.

    Tout dépendra des modalités concrètes de cette taxe. Pour contrer réellement la spéculation et mettre à contribution la finance, il faut appliquer une taxe d'au moins 0,1% sur l'ensemble des transactions financières et bien entendu la rendre obligatoire. Tout dépendra aussi de l'utilisation faite du produit de la taxe : si celui-ci n'est utilisé que pour renflouer les déficits et sauver une nouvelle fois les banques sans contrepartie, l'efficacité sera nulle. Au contraire, le produit doit aller vers des services et investissements publics, visant le partage des richesses et la reconversion écologique. Il doit aussi servir à la solidarité Nord-Sud, pour faire face à l'explosion de la pauvreté et aux besoins de la lutte contre le réchauffement climatique.
    Pendant que les gouvernants dissertent sur la taxe Tobin, ils font passer le rouleau compresseur de l'austérité. Mais les dettes publiques et la crise de l'euro, loin de résulter d'un excès de dépenses, proviennent de la crise financière et des cadeaux fiscaux consentis depuis vingt ans aux privilégiés. Sarkozy et Merkel jouent la vertu alors qu'ils sont totalement responsables de la situation. Ils scellent aujourd'hui une alliance de combat contre les populations pour forcer tous les États-membres de la zone euro à introduire dans leurs Constitutions la « règle d'or », autrement dit un véritable carcan budgétaire.
    La menace pèse sur les droits sociaux et sur les services publics. C'est aussi une menace contre la démocratie : une réforme constitutionnelle imposée par les marchés financiers, un renforcement inédit des pouvoirs de la Commission européenne pour imposer la discipline des marchés aux États, signifient un nouveau recul de la souveraineté populaire en Europe.
    Pour Attac France, ces politiques ne peuvent avoir qu'une signification : profiter de la crise de la dette pour détruire l'État social en Europe. Les urgences sociales et écologiques sont sacrifiées à l'appétit insatiable des marchés financiers. Au contraire, nous proposons de réduire la dette en instaurant une politique fiscale fortement redistributive et en progressant vers une harmonisation fiscale en Europe. La dette en France doit être examinée par un comité d'audit citoyen pour en vérifier l'origine et en dénoncer la partie illégitime si nécessaire. Pour s'attaquer à la racine des problèmes il faut enfin désarmer les marchés financiers.
    Attac propose à tous ses partenaires la mise en place d'un comité unitaire pour l'audit de la dette française, et appelle à s'opposer avec la plus grande vigueur aux politiques annoncées. Nous répondrons à l'appel des Indignés espagnols le 15 octobre. Nous mobiliserons en novembre, avec tous nos partenaires internationaux, contre le G20 de Nice, pour que la crise soit payée par la finance et pas par les citoyens.

    Paris, le 18 août 2011