Mardi 24 et mercredi 25 juillet, la Commission des Finances de l’Assemblée nationale a étudié en première lecture le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude.
Alors que le Gouvernement a annoncé vouloir prendre des mesures fortes contre la fraude et l’évasion fiscale, les avancées obtenues par les député-e-s sont trop timides pour placer ce projet de loi très attendu à la hauteur des enjeux, sans compter les annonces de suppression de postes très importantes dans l’administration fiscale.
Le verrou de Bercy a largement occupé les débats : les député-e-s ont aménagé le dispositif sans mettre complètement fin au monopole de Bercy sur les poursuites judiciaires en matière de fraude fiscale.
Les député-e-s ont aménagé le dispositif proposé par le Sénat, en proposant d’inscrire dans loi des critères afin que les fraudes les plus graves soient systématiquement transmises au procureur par l’administration. Alors que ce sont majoritairement des fraudes moyennes qui font l’objet de procès aujourd’hui, les fraudes les plus graves devraient enfin faire l’objet de poursuites systématiques.
Les propositions les plus ambitieuses du rapport de la mission d’information n’ont cependant pas été votées :
- > les dossiers sélectionnés ne feront pas l’objet d’un examen conjoint entre la justice et l’administration, qui aurait permis de renforcer la coopération ;
- > la justice ne pourra toujours pas déposer une plainte de sa propre initiative lorsqu’elle rencontre des cas de fraude au cours d’enquête à d’autres sujets ;
- > les critères de transmission automatique ne sont pas aussi ambitieux que ceux proposés par la mission d’information.
Nos organisations alertent également aussi sur le choix de maintenir une justice d’exception avec l’extension de la Convention Judiciaire d’Intérêt Public (CJIP) aux faits de fraude fiscale. Les députée-s ont malheureusement choisi, en continuité du Sénat et avec l’accord du gouvernement, d’étendre la Convention Judiciaire d’Intérêt Public à la fraude fiscale. C’est donc un nouveau système de justice à deux vitesses qui est introduit, permettant aux entreprises poursuivies pour fraude fiscale de passer une convention transactionnelle validée par le juge et de payer une amende, sans que leur culpabilité ne soit reconnue. Des entreprises responsables de fraude d’ampleur pourront conserver tous les bénéfices de l’innocence contre le simple versement d’une amende, par définition non dissuasive.
Enfin, autre déception importante, les député-e-s ont également suivi la proposition du gouvernement sur la liste de paradis fiscaux, en se contentant de transposer la liste noire européenne dans le droit français sans revoir les critères d’identification des paradis fiscaux. S’ils sont également abrogé l’exclusion automatique des pays européens de la liste française de paradis fiscaux, la portée de cet amendement est purement symbolique au vu des critères d’identification de la liste française qui restent uniquement centrés sur des questions de coopération fiscale et non sur l’analyse des pratiques fiscales dommageables des pays. Résultat : la liste ne comprend pas les principaux paradis fiscaux comme le Luxembourg, l’Irlande ou les îles Caïmans mais ajoute des pays qui ne jouent aucun rôle dans les montages d’évasion fiscale, comme la Namibie.
Les derniers scandales d’évasion fiscale, comme les Panama et Paradise Papers, ont montré que les dispositifs actuels de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales sont insuffisants. Nos organisations comptent sur les député-e-s pour rectifier le tir lors de l’examen en séance publique en septembre et relever le niveau d’ambition du projet de loi en adoptant des mesures qui ne se réduiront pas aux apparences et aux déclarations d’intention.
Les organisations signataires : Anticor, Attac France, CCFD - Terre solidaire, Oxfam, Sherpa, Syndicat de la Magistrature, OCTFI, Collectif Roosevelt, Réseau foi et justice.