Aucun avenir ne peut être bâti sur les décombres de la Grèce
L’Union européenne dans son ensemble et les dirigeants de la zone euro en particulier viennent de porter le coup de grâce au peuple grec, à la démocratie et aux bribes de légitimité qui leur restaient.
Coup de grâce au peuple grec
Au bout de six mois de pseudo-négociations, dix-huit chefs d’État ou de gouvernement, arcboutés sur les positions inflexibles des institutions créancières, ont obtenu la reddition du gouvernement grec, élu démocratiquement sur la base d’un programme souhaitant mettre un terme à l’austérité. Une austérité qui, depuis plus de cinq ans, a produit une chute du PIB de 27 %, un taux de chômage de près de 30 % et du double pour les jeunes, et la plongée de 45 % de la population en dessous du seuil de pauvreté.
Pourtant, vendredi 9 juillet, Alexis Tsipras avait présenté un programme de réformes conforme aux attentes maintes fois réitérées par l’ex-Troïka toujours à la manœuvre. Il acceptait notamment une amplification des privatisations (les ports de Pirée et de Thessalonique, les télécommunications), le départ à la retraite à 67 ans et 62 ans pour 40 ans de cotisations en 2020, la suppression des pré-retraites, et des excédents budgétaires primaires de 1 % en 2015, 2 % en 2016, 3 % en 2017 et 3,5 % à partir de 2018. Le gouvernement entendait toutefois sauvegarder les conventions collectives, la TVA à taux réduit sur les biens de première nécessité, les médicaments et l’électricité, et amorcer l’imposition des plus riches et des entreprises bénéficiaires et à gommer les avantages fiscaux des îles.
Ce n’était pas encore assez : au cours de ce week-end, les enchères sont encore montées de plusieurs crans en contrepartie d’un nouveau plan d’aide de 86 milliards sur trois ans. Et, aujourd’hui, le prétendu « accord de compromis » se solde par de nouvelles exigences, avec en « prime » un véritable hold-up sur les quelques biens publics grecs restants, puisqu’un fonds européen va se voir attribuer 50 milliards d’euros d’actifs les représentant, de façon à prendre sur eux des hypothèques iniques garantissant leur privatisation.
L’étranglement inexorable de la Grèce va donc se poursuivre : la purge austéritaire va détruire encore plus l’économie, l’allègement de la dette ne sera pas envisagé sinon aux calendes, les investisseurs étrangers prendront le contrôle de l’économie grecque… et les financiers continueront à percevoir la rente perpétuellement.
Coup de grâce à la démocratie
Depuis le 25 janvier, les choses sont claires : la bourgeoisie financière, ses représentants politiques et leurs porte-parole médiatiques n’avaient qu’un but en tête, celui de nier le choix d’un peuple d’essayer de prendre son destin en mains, et donc de tout faire pour déstabiliser un gouvernement démocratiquement élu. C’est un véritable coup d’État. En deux temps. D’abord, pendant que s’entretenait une illusion de concertation et de négociations, en ayant préparé en coulisses une éventuelle alternance politique avec les forces conservatrices et réactionnaires désavouées le 25 janvier. Ensuite, en utilisant le référendum du 5 juillet ayant exprimé la double volonté grecque de rester dans l’euro sans l’austérité pour en faire une arme de chantage supplémentaire : on ne peut rester dans l’euro sans abdiquer et sans passer sous tutelle des créanciers. L’obligation faite au gouvernement grec de soumettre toute initiative aux institutions place le pays dans une situation de tutelle aussi grande que celle des pires heures du colonialisme.
Coup de grâce à l’infime légitimité de la construction européenne
Il apparaît à l’évidence que, telles qu’elles sont construites, l’Union et européenne et l’Union économique et monétaire ne possèdent plus aucune légitimité autre que celle de satisfaire la loi des marchés financiers. Aujourd’hui, tout va dans le même sens : refus de mettre sous contrôle les banques faiseuses de crise, refus de procéder à des réformes fiscales justes, refus de s’orienter vers des transitions soutenables.
Par son audace depuis six mois, le peuple grec s’était rendu coupable d’oser remettre en cause le mantra libéral : il n’y a pas d’alternative. Il fallait qu’il plie et que les autres peuples sachent que leur sort serait identique en cas de velléité comparable. Les dignitaires de la finance et les technocrates de Bruxelles, de Francfort et de Washington ont raison sur un point : la confiance est définitivement rompue et leur construction est à mettre par terre. Il faut tout rebâtir de fond en comble : l’économie, la démocratie et des projets de véritable coopération entre les peuples. La mobilisation solidaire des peuples doit être notre objectif commun pour imposer une autre Europe et ne pas laisser le champ libre à la montée des nationalismes et des forces d’extrême-droite.
Communiqué Attac du 13 juillet 2015